Ouverture de l'année de l'appel

A Boulogne/Mer: j'ai besoin de toi pour eux

OUVERTURE DE L’ANNEE DE L’APPELCoupole de la basilique Cathédrale de Boulogne sur mer  
Coupole de la basilique
Coupole de la basilique

Jean 1, 35-51.

 

 

Même si je vous étonne, je dois avouer que l’organisation d’une année de l’appel comporte des risques ! Il est tentant de la comprendre à la lumière de nos comportements familiers : à côté de la quinzaine du blanc et de la foire aux vins, pourquoi pas une année de l’appel ? Qui demande rien n’obtient rien !

 

Il serait alors facile d’emboucher les trompettes de la publicité et de vanter les charmes – car il en existe – de l’exercice du ministère ordonné et de la vie religieuse. Nous pourrions, une fois encore, pousser le cri célèbre du cardinal Marty : « J’embauche ! » 

 

Nos communautés ne manquent pas d’excellentes raisons de répertorier, à nouveau, tous les besoins qu’elles ressentent pour remplir, au mieux, la mission d’annoncer l’Evangile. Elles savent combien il est ardu d’assurer la présence et le rayonnement de l’Eglise, « signe et instrument du salut », au cœur du monde. Elles pourraient alors dessiner le profil des ministères et des ministres qui, de leur avis, sont aujourd’hui indispensables à leur propre apostolat.

 

Il faudrait encore franchir un pas supplémentaire et prendre en compte l’une des protestations les plus entendues et répétées : l’Eglise ne manquerait pas de prêtres si elle intégrait définitivement dans ses choix et ses requêtes, les évolutions culturelles, sociales, éthiques de la société française. Il est impossible, sauf dans de rares exceptions, d’attendre de jeunes qu’ils s’engagent, en ce début du troisième millénaire, toute leur vie, à vivre dans la fidélité, la chasteté, la pauvreté, l’obéissance.

 

Nous ne prendrons pas à la légère ces remarques et ces objections. Elles méritent d’être examinées. Le risque que je signalais à l’instant consiste cependant à croire et affirmer que tant que nous-mêmes n’aurons pas apporté réponse à ces questions, trouvé la solution à ces problèmes, il est vain et inutile d’appeler des jeunes au ministère ordonné ou à la vie consacrée.

 

Maintenant comme hier, il est présomptueux d’imaginer que nous détenons seuls la clé de la porte des vocations. A l’ouverture de cette année de grâce, il nous est bon et nécessaire de bien régler nos instruments de navigation. L’Evangile de Jean nous y aide. Le récit est sobre et percutant. A la parole du Baptiste, deux disciples suivent Jésus. L’insistance est mise sur l’urgence de « demeurer [1] » avec lui. L’enthousiasme est un peu rapide : « Nous avons trouvé le Messie.[2] » La réponse de Jésus est tout aussi fulgurante. Il regarde Simon et lui donne immédiatement le nom nouveau : « Pierre.[3] »

 

A l’évidence, l’appel se trouve d’abord du côté de Jésus. L’Evangile, à cet endroit au moins, ne retient aucune des multiples objections qui auraient conduit André, Pierre, Jean à passer leur chemin après avoir été, un moment, touché par la prédication de Celui qu’ils cherchent confusément. La suite de la Sainte Ecriture nous répète à plusieurs endroits que la hâte apparente de Jésus lui-même et des disciples a été source de quelques déconvenues. Entre l’appel et la Pentecôte, le parcours des apôtres est parsemé d’embûches, d’épreuves, d’interrogations. Plus d’une fois, ils furent incités à retrouver leurs filets.

 

C’est toujours en demeurant avec le Christ, en demeurant  en lui et en le laissant demeurer en eux que les obstacles ont été franchis et les doutes surmontés. Comme nous, probablement, les futurs apôtres cherchaient à résoudre les drames humains et spirituels qui traversaient l’histoire de leur peuple. Ils désiraient ardemment trouver l’homme providentiel parfaitement adapté et ajusté aux préoccupations du moment. Et voilà que Jésus renverse la perspective. C’est Lui qui prend l’initiative : «  Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.[4] »

 

Au moment où nous pensons peut-être décréter la mobilisation générale au bénéfice des vocations sacerdotales et religieuses, nous sommes renvoyés humblement, simplement, mais fondamentalement à une démarche incontournable : demeurer avec le Christ, laisser sa vie irriguer, nourrir et féconder la nôtre, renaître avec lui et par lui.

 

Nous n’échapperons pas aux questions que j’évoquais plus haut, et à tant d’autres sans doute. Nous croyons cependant que c’est dans une existence greffée sur le Christ que germeront les réponses adéquates.

 

Aujourd’hui, nous prenons la route. Nous ne marcherons par pour le Christ. Il marche pour nous et avec nous. Jeunes et moins jeunes, vos débats intérieurs, vos hésitations, vos réflexions, vos craintes sont fondées puisqu’ils sont simplement les vôtres. Au moment de les examiner, interpellez le Christ : « Maître, où demeures-tu ? » Tout ne sera pas dit, mais dans la rencontre brillera pour vous et pour vos frères la lumière.

 

Nous ouvrons l’année de l’appel en la cathédrale Notre Dame de Boulogne. La tradition nous enseigne que, comme son Fils, la Vierge Marie s’est invitée dans la discrétion d’une barque. Vers elle, depuis des siècles, sont montés les cris et les attentes des hommes. A la fin de la deuxième guerre mondiale et après le conflit, elle a recueilli dans son passage sur les routes de France les détresses de la folie meurtrière de peuples blessés, elle a accueilli l’espérance de populations qui devaient alors construire et se reconstruire.

 

Pas plus qu’hier, Notre Dame qui visitera à nouveau les communautés qui le souhaiteront ne nous affranchira de nos responsabilités, de nos engagements et de nos décisions, y compris sur le chemin des vocations. Avec la douce ténacité de toutes les mamans, elle nous mènera toujours vers son Fils qui, le plus naturellement du monde nous invite : « Venez et voyez.[5] »

Si ce pas vous coûte, Marie le franchira avec vous !

 

+ Jean-Paul JAEGER

Cathédrale Notre Dame de Boulogne.

 

 



[1] Jean 1, 38.

[2] Jean 1, 41.

[3] Jean 1, 42.

[4] Jean 1, 48.

[5] Jean 1, 39.

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 4748 visites