Croire et savoir.
Lettre de Mgr jaeger Eglise d'Arras 20-2008
Où sommes-nous
Méditation, par le Mouvement chrétien des retraités Un pape n’échappe pas à la règle commune. La mission qu’exerce le successeur de Pierre appelle celui qui la reçoit à la nouveauté qu’implique, pour lui, la charge. Il reste, cependant, marqué par sa propre personnalité et son histoire.
Nul ne peut demander à Benoît XVI de renoncer à sa passion de la recherche théologique et de l’enseignement, même s’il doit, parfois, regretter de ne plus pouvoir leur accorder tout le temps qu’ils méritent. L’Église Universelle ne peut que tirer profit de cette spécificité qui, sous l’actuel pontificat, nous invite à redécouvrir quelques fondements que d’autres préoccupations et urgences nous avaient peut-être fait perdre de vue.
Le Saint Père ne manque pas une occasion d’évoquer dans ses interventions les relations entre la foi et la raison. En soi, l’exercice est plutôt classique. Saint Thomas d’Aquin, pour ne citer que lui, s’y est magistralement appliqué. Nous ne sommes plus au Moyen Âge. L’essor scientifique, les découvertes technologiques, le choc des cultures, obligent à reprendre cette question à frais nouveaux. Benoît XVI s’y applique avec un rare plaisir et un réel intérêt.
Pour beaucoup de nos contemporains, la foi et la raison ne peuvent que se développer séparément et de manière antagoniste. Il est stupéfiant de rencontrer des chercheurs et des savants très pointus dans leur domaine d’investigation qui enferment la foi dans des images et des perceptions d’un infantilisme ahurissant. Pour les uns, il faut ignorer au laboratoire ce qu’ils vivent à l’oratoire et vice versa. Pour les autres, un fondamentalisme étroit préside à la lecture des Écritures ainsi qu’à à la compréhension du dogme et des textes magistériels de l’Église.
La foi et la raison ne se confondent pas. Elles ne s’imposent pas l’une à l’autre. Elles mettent en œuvre des démarches et des méthodes différentes qui garantissent leur autonomie. Elles ne s’excluent pas, pour autant, l’une ou l’autre. Comment pourrait-il en être autrement si, pour le croyant, l’être humain, tout être humain, est créé à l’image de Dieu. Par le juste et droit exercice de sa raison, il lui est possible, avec d’autres, d’accéder au projet même de Dieu qui crée et fait vivre.
La lumière de la foi est précieuse. Elle éclaire, guide, oriente, elle donne en espérance ce qu’au fil des jours de l’histoire, l’homme cherche, ce à quoi il aspire. Elle révèle aussi la blessure de l’être humain et ses conséquences, y compris dans le fonctionnement de la raison.
La foi ne dispense pas du travail intellectuel, social, moral, économique et politique. Au contraire, elle les exige. Un croyant qui refuserait le labeur de la raison ne serait pas digne du Père qui nous a créés, du Christ qui nous a sauvés, de l’Esprit qui nous habite. La raison, même meurtrie, n’est pas anéantie. La foi peut la purifier, la guider sans, pour autant, se substituer à elle.
Pour toutes ces raisons, les chrétiens se sentent parfaitement à l’aise lorsque avec des hommes et des femmes qui puisent à la source d’autres religions ou tout simplement mettent en œuvre loyalement toutes leurs capacités humaines, ils s’interrogent, écoutent, cherchent et débattent.
Quand, dans l’Église, les fidèles affirment que la vie de l’être humain doit être sauvegardée de la conception jusqu’à la mort naturelle, ils n’énoncent pas simplement le précepte d’une doctrine reçue d’ailleurs. Ils observent, découvrent et témoignent avec d’autres qu’il y va de la grandeur et de la dignité de l’homme de respecter à ce point la vie.
Il est inscrit dans tous les catéchismes qu’un couple est constitué d’un homme et d’une femme qui, de façon fidèle et stable, s’engagent à s’aimer, et à donner la vie. Les douleurs exprimées et les souffrances constatées dans notre société ne sont pas inventées par l’Église. Des enfants qui vivent difficilement la dissolution des liens familiaux ne sont pas systématiquement catholiques !
Il est facile de taxer d’obscurantisme un enseignement qui professe que l’enfant est un don et non un droit. Pourquoi se priverait-on de la satisfaction d’un désir puisque ce dernier peut, au-delà des failles de la nature, être satisfait scientifiquement ? Là encore, l’Église n’est pas à l’origine de la douloureuse quête d’identité à laquelle se livrent des adolescents et des adultes qui revendiquent soudain le droit, à leur tour, de savoir de qui ils sont les enfants.
Les questions dérangeantes de l’Église ne constituent pas la réaction décalée d’une puissance aujourd’hui contestée et renvoyée, sans ménagement, dans ses sacristies. Elles sont aussi celles qui surgissent, tôt ou tard, dans la conscience droite de l’homme.
Sûre de son Seigneur, l’Église doit aussi avoir la patience et la ténacité du compagnonnage avec la famille humaine. Elle ne lui est pas étrangère, tant s’en faut !
En communion avec Benoît XVI, les évêques de France ont fixé leur attention, lors de leur dernière assemblée plénière, à Lourdes, sur problèmes qui seront soulevés à l’occasion de la discussion, au parlement, de la loi de bioéthique votée à l’origine, pour une période probatoire de cinq ans.
La foi nous appelle à nous préparer pendant le temps de l’Avent à la venue du Fils de Dieu parmi nous. La joie et le bonheur qu’Il nous promet et dont Il nous donne les premiers fruits ne nous arrachent pas à notre tâche d’homme. Il nous en indique le prix et le sens. N’ayons pas peur d’investir avec tant de frères notre génie humain ! Notre fidélité à Dieu est à ce prix !
+ Jean-Paul Jaeger.