Plus pauvres
Église d'Arras n°06
Vitrail Maison diocésaine d'ArrasLes fidèles de l’Eglise catholique portent à leurs frères humains les plus démunis une réelle attention. Même s’ils n’ont aucune exclusivité en la matière, cette réalité est indéniable. Outre leurs engagements dans des instances qui se réfèrent explicitement à l’Eglise dont ils sont les membres, ils se retrouvent volontiers aux côtés d’hommes et de femmes qui militent dans des associations humanitaires en dehors de toute appartenance religieuse. Que dire des multiples sollicitations dont sont les destinataires les fidèles qui fréquentent régulièrement l’assemblée dominicale ?
Il ne manque jamais de voix et de censeurs pour estimer que les Chrétiens et l’Eglise elle-même devraient faire plus et mieux pour témoigner concrètement de la sollicitude divine à l’égard des plus petits, des plus faibles et des plus pauvres. Nos communautés doivent entendre ces remarques et ces appels, même s’ils paraissent injustifiés. Sans vouloir condamner qui que ce soit et fixer des critères quantitatifs, nous devons reconnaître humblement que nous sommes toujours en deçà des attentes et des exigences de notre foi à l’égard de nos frères.
La qualité de fidèle du Christ ne nous offre pas immédiatement la possibilité de porter personnellement et en communauté toute la misère du monde. Si chacun, chaque groupe, chaque paroisse doit s’interroger de façon permanente sur sa manière de porter le fardeau de nos semblables, tous participent aux choix de notre société, des instances politiques locales, régionales, nationales et internationales. Nous ne pouvons pas l’oublier en période électorale et à longueur d’année !
Chrétiens, le temps du carême nous appelle à un examen de conscience annuel en ce domaine. Il nous demande de raviver notre sens fraternel et de stimuler notre désir de partager. Tel est le but de la campagne annuelle du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement. La visite de partenaires venus de pays dont la richesse est loin d’égaler la nôtre sollicite notre tirelire, mais nous invite fondamentalement à une vie plus fraternelle. Gardons-nous de passer à côté de cette démarche, même si, par la force de l’habitude, elle fait partie des rites du carême dont nous nous écartons dès que résonne le carillon de Pâques !
Avec une vigueur qui ne se dément pas depuis son élection, le Pape François appelle régulièrement les baptisés à adopter une attitude plus radicale encore. Il est sans doute beau et généreux d’aller à la rencontre des plus pauvres et de soulager autant que faire se peut leurs épreuves. Nous savons combien les consciences sont rassurées quand nous avons posé un geste qui aide les autres, mais les laisse en dehors de notre propre existence et de celle de tous les cercles auxquels nous appartenons.
L’authenticité de notre foi se vérifie dans notre capacité de faire place aux plus pauvres dans nos communautés, à les reconnaître comme des membres conviés à emprunter les mêmes chemins que leurs frères et sœurs plus favorisés. Nous découvrons en eux la dignité dont ils sont porteurs, nous rencontrons par eux et avec eux le Fils de Dieu qui a délibérément choisi l’abaissement par lequel se révèlera sa gloire.
La pauvreté consiste aussi à nous interroger régulièrement sur nos pratiques et nos fonctionnements : Qui peut avoir accès à nos documents, à nos organisations, à nos exigences, à nos règlements, à nos horaires ? Est-il totalement incongru de penser que, parfois, quelques-uns mettent en place des structures qui sont finalement au service de quelques-uns. La pauvreté ne consiste-t-elle pas alors à enrouler l’écran que nous avons, en toute bonne foi et bien involontairement, déployé entre un trop grand nombre de nos semblables et le Seigneur Lui-même ? Nous parlons toujours fort bien de la pauvreté. Nous avons – pas assez peut-être – l’audace et le courage de faire route avec les plus pauvres. Nous savons plus difficilement reconnaître leur place avec nous et parmi nous, accueillir leur parole et leur espérance.
Qu’en sera-t-il quand la réalité rappellera, dans les faits, à notre Eglise que la pauvreté fait partie de son identité ? C’est peut-être quand nous aurons moins de moyens, peu de moyens, pas de moyens que la Parole de Dieu apparaîtra comme l’unique trésor, le Christ comme l’unique sauveur et la puissance de l’Esprit Saint comme l’unique force. Nous n’avons pas encore relevé le défi de la pauvreté. Il nous attend !
+ Jean-Paul JAEGER