Les fruits de la souffrance
Anniversaire de la catastrophe de Courrières du 10 mars 1906
Il sans doute facile de relire l’histoire cent ans après les événements ! Les mentalités et les moyens étaient encore peu adaptés à un univers industriel qui prenait son essor et occupait une place grandissante dans le paysage social.
Les récits de l’époque, largement repris par les journaux locaux au cours des semaines écoulées, laissent cependant un sentiment de malaise. Les différents commentaires permettent de conclure, sans parti pris, que les êtres humains ne pesaient pas bien lourd dans les choix et les décisions de l’époque. Les processus de sécurité n’étaient, certes, pas comparables à ce qu’ils sont aujourd’hui. Il est curieux de constater qu’avant comme après l’accident, ils n’ont pas inconditionnellement joué au bénéfice de la plus large sauvegarde possible de la vie du plus grand nombre !
Les vives réactions furent, sans doute, à l’origine de l’évolution encore limitée des conditions de travail. Pourquoi a-t-il fallu tant de morts et de durs affrontements pour remettre, partiellement au moins, à sa juste place, l’être humain qui fut trop souvent sacrifié à d’autres considérations ?
Les victimes de 1906, leurs descendants méritent bien évidemment la gratitude et le respect de la génération actuelle. Ce devoir de mémoire incombe à toute notre nation, plus particulièrement à la population du Pas-de-Calais et de son ancien bassin minier. On sait avec quel courage et quelle fidélité, nos aînés ont travaillé dans des conditions pénibles et dangereuses pour que soit honorées les valeurs qui fondaient à leurs yeux la société de leur temps.
Les célébrations de ces jours anniversaires n’enferment pas dans le passé. Le bassin minier n’est plus exploité. La cessation des activités fut cause de nouvelles épreuves qui n’ont pas encore été intégralement surmontées. Nous n’avons pas encore tracé tous les chemins de l’avenir. Il s’inventera sans le charbon, mais il a besoin de racines.
Au fil des années, les conditions de travail se sont améliorées, parfois au prix de durs combats, mais il est des trésors qu’il faut encore rechercher et découvrir dans l’histoire d’hommes et de femmes qui sont peut-être entrés dans la légende, mais laissent encore une marque profonde dans une culture humble, mais tellement humaine.
La mine fut facilement cruelle. Elle fournit pourtant le cadre du sérieux, de l’engagement, de la générosité, de la solidarité, de la proximité dont nous déplorons souvent le manque ou l’absence dans les relations éphémères et frivoles qui, aujourd’hui, tissent un lien social trop fragile pour construire nos cités et nos villages.
1099 victimes méritent notre reconnaissance. Elles nous lèguent des semences d’humanité. Nous aurions bien tort de ne pas les jeter dans la terre de notre humanité, de ne pas en hâter la germination et en recueillir les fruits ! Aurons-nous toujours l’audace de le faire pour la dignité et la grandeur de chaque être humain ?
+ Jean-Paul JAEGER