Messe Chrismale - Homélie

      Messe chrismale 2012 Messe chrismale 2012   Nous sommes encore traumatisés par les actes fous qui ont mis en scène à Montauban et à Toulouse le fanatisme et la haine. Dans moins de trois semaines, les Français entameront un long marathon électoral. Nous assistons au douloureux enfantement de la liberté dans des pays longtemps familiers de la dictature et de l’oppression. Nous mesurons l’impuissance de trop d’états et d’organisations internationales à maitriser les mécanismes économiques, financiers et politiques devenus au fil du temps des chevaux indomptables. Les individus et leurs désirs remettent perpétuellement en cause les valeurs morales qui ont naguère fondé la capacité de vivre ensemble.


L’Eglise est bien évidemment concernée par ces événements et par bien d’autres encore. En son sein, l’actualité ne manque pas non plus d’intérêt. A Lourdes, 2500 délégués des diocèses, réunis autour des évêques de France, ont frappé les trois coups du début des célébrations qui marqueront le cinquantième anniversaire du concile Vatican II. Le pape Benoît XVI nous invite à cette occasion à entrer dans une année de la foi. Dans le même temps, se déroulera un synode sur la nouvelle évangélisation. L’Eglise en France poursuit la démarche Diaconia 2013 qui culminera dans un an lors d’un rassemblement national à Lourdes.


Comment ne pas souligner le patient cheminement de tout notre diocèse qui, nous pouvons le dire modestement, a anticipé cette actualité en proposant un nouveau projet d’évangélisation et de catéchèse ?


Mais, me direz-vous, pourquoi évoquer tous ces événements ?

Quelles relations entretiennent-ils avec la messe chrismale ?


Nous sommes rassemblés pour célébrer l’Eucharistie. Nous y faisons en Eglise, mémoire de la mort et de la résurrection du Christ. Ces événements divins sont liés à l’histoire de l’humanité, celle d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain, jusqu’à la fin des temps. C’est au cœur même de cette humanité que le Verbe s’est fait chair, qu’il a révélé l’Amour du Père, annoncé le Royaume, en a donné les signes, qu’il est mort et qu’il est ressuscité.


C’est maintenant que les hommes, les femmes, les jeunes qui font quotidiennement en eux et autour d’eux l’expérience, à la fois merveilleuse et douloureuse, de la condition humaine. C’est encore en cet instant qu’ils peuvent accueillir dans la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth le salut et la vie par lesquels Dieu Lui-même donne à notre marche, à nos efforts, à nos gestes, à nos partages, une dimension d’éternité. C’est toujours aujourd’hui que les aveugles voient, les boiteux marchent, les prisonniers sont libérés, les pauvres entendent la Bonne Nouvelle.
Nous ne connaissons que trop le poids du péché, le caractère éphémère de notre conversion, la fragilité de nos réconciliations, l’instabilité de nos relèvements.


Quand nous célébrons l’Eucharistie, quand nous communions au Corps et au Sang du Christ, nos limites si voyantes et si pesantes sont dépassées. En elles et malgré elles, se révèlent la richesse et la puissance de l’œuvre d’amour du Christ vainqueur de tout mal par l’abaissement de la croix et la gloire du matin de Pâques. Tous les sacrements nous mènent à la source de cette Vie éternelle qui coule déjà dans nos vies imparfaites et inachevées Dieu ne dédaigne pas de reconnaître en elles le trésor de l’Amour qu’il y a Lui-même déposé.


Le Saint Chrême, l’huile des catéchumènes, l’huile des malades vont marquer les corps et les objets. Ils expriment le prix unique de l’être humain et de son histoire introduits dans la relation du Père très aimant avec ses enfants, du Fils tout-aimant avec ses frères pour lesquels Il donne librement et totalement sa vie. Seul le Saint-Esprit peut faire briller cette fulgurante lumière dans le cœur de tout être humain, dans l’histoire de l’humanité elle-même.


L’Eglise, Peuple de Dieu, Corps du Christ, épouse du Christ est constituée comme signe et instrument de ce salut dans le monde. Elle est au service de cette admirable mission qui surpasse de beaucoup les capacités de ses membres. Tournée vers son Seigneur, vivant de sa Parole, de son pardon, de son Corps et de son Sang, Elle est envoyée chez les hommes pour que l’Ecriture soit annoncée et qu’elle s’accomplisse aujourd’hui.


Toute l’histoire du salut révèle que Dieu s’est fait proche des hommes et Il s’est fait homme. Ce choix a rendu difficile la perception de l’être profond et de l’identité de Jésus de Nazareth. Sa divinité est contestée et son affirmation le fait condamner pour blasphème !


Quand l’Eglise assume les risques pris par le Fils de Dieu, elle connaît les mêmes déboires. Pour les uns, elle ne constitue qu’une association caritative, sociale ou morale qui ne saurait prétendre à une place particulière dans la société. Pour les autres, elle est confinée dans la sphère du spirituel et ne doit se manifester que dans un cadre privé. Parce qu’elle croit à la création par le Père, à la rédemption par le Fils, à la force de l’Esprit, l’Eglise ne se reconnaît dans aucune de ces caricatures qu’il peut lui arriver de dessiner elle-même !


Elle habite chez les hommes et elle est en Dieu. Il ne se cache aucune démagogie dans sa prédilection pour le petit, l’étranger, l’affamé, le prisonnier, l’abandonné, l’exclu, le méprisé. Elle découvre toujours en eux la dignité qui est celle de Dieu Lui-même.


Que veut le pape Jean XXIII lorsqu’il convoque un concile ? Que veut le pape Benoît XVI quand il programme un synode sur la nouvelle évangélisation ? Que veulent les évêques de France quand ils engagent les fidèles dans Diaconia 2013 ? Que voulons-nous dans notre diocèse quand nous traçons de nouveaux chemins d’évangélisation et de catéchèse ? Que veut l’Eglise quand elle appelle aux sacrements ?
Tous et toutes ne font que servir l’Amour de Dieu qui est- offert sans mesure et sans réserve pour que resplendissent sur le visage de chaque être humain dans sa réalité la plus concrète et dans toute l’humanité la grandeur et la dignité que le Seigneur imprime en eux.


Ainsi s’éclaire la parole du prophète Isaïe : « Alors tous ceux qui pleurent, je les consolerai. Au lieu de la cendre de pénitence, je mettrai sur leur tête le diadème ; ils étaient en deuil, je les parfumerai avec l’huile de joie ; ils étaient dans le désespoir, je leur donnerai des habits de fête. »
Frères prêtres, la liturgie de la messe chrismale braque un peu les feux sur vous. Certains penseront, au nom même de ce que je viens de développer, mais pourquoi sur eux et pas sur nous ? Peut-on leur répondre, une fois dans l’année, que dans la vie et la mission de l’Eglise, ce n’est jamais vous sans eux et eux sans vous.


Toute l’Eglise est Corps du Christ. Ce corps a une tête et c’est encore le Christ. Nous contemplons le mystère de ce Christ Corps et tête, le mystère de l’époux et de l’épouse.
Frères prêtres, avec votre évêque, vous êtes dans l’Eglise qui est dans notre diocèse les signes et les instruments du Christ qui est à la tête, de cet époux ravi par sa bien-aimée. Vous l’êtes personnellement, configurés par l’ordination à l’unique Christ, Fils de Dieu.
Vous mesurez la mission qui vous est confiée. La société et l’opinion l’évaluent en termes de pouvoir, pouvoir qui pour elles n’a pas grand-chose à voir avec celui du Christ. Tout ce que vous recevez gratuitement de Dieu vous est donné pour le service du Corps entier, de l’humanité entière.


Le concile Vatican II utilise sans complexe la notion de pouvoir pour caractériser un aspect de la mission des prêtres. Si d’aventure elle vous montait à la tête, rappelez-vous que vous ne l’exercez qu’avec le Christ en croix, là où, en attendant la résurrection, se forme le sens de son incarnation, de sa prédication, des signes du Royaume qu’Il a donnés. Vous avez le pouvoir d’un crucifié. Autant dire qu’il est dérisoire. Ce pouvoir est pure folie. Assumé comme tel, il ouvre la voie à la vie nouvelle du matin de Pâques.


Dans les célébrations sacramentelles comme en d’autres manifestations de l’Eglise, vous présidez. Par vous est présent et agissant le Christ en croix, le Christ surgissant du tombeau. Rassurez-vous personne ne vous disputera une telle présidence. Elle est pourtant indispensable à la vie et à la mission de l’Eglise qui témoigne de la Pâque du Seigneur, et fait boire à la source de la vie nouvelle pour l’humanité


Messe chrismale 2012 Messe chrismale 2012      Vous le savez bien, chers frères, la mort et la résurrection de Jésus n’intéressent guère la grande opinion. Bien souvent, à ses yeux, vous avez le droit, peut-être même le devoir soudain, de gérer l’offre et la demande des rites, des attentes et de faire preuve de charité fraternelle. Vous devez rendre des services. Ces requêtes ouvrent parfois le chemin à de profonds bouleversements. Quand tel est le cas, il faut rendre grâce à Dieu. Pour remplir cet office, il n’est cependant pas nécessaire d’émerger du lot et d’adopter un mode d’être et des comportements différents de ceux de nos semblables.


En revanche, croire à la puissance de la croix et à la lumière de la résurrection demandera toujours un don total, irréversible et inconditionnel. C’est le don du Christ Lui-même sur qui tous ont les yeux fixés dans la synagogue de Nazareth. Par lui, l’Ecriture n’est pas seulement proclamée. Elle s’accomplit aujourd’hui.


Très chers frères prêtres, par ce que vous êtes, proclamez à temps et à contretemps cette Parole et montrez inlassablement cette œuvre du Christ aux membres du Peuple Dieu, à tous nos frères humains, à celles et à ceux qui veulent conjuguer la vie avec la joie et le bonheur ! Avec eux, vous verrez poindre l’espérance qui ne déçoit pas dans toutes les situations humaines que j’évoquais en commençant et en bien d’autres encore ! Qui dira alors que l’Eglise perd son temps, son âme et se mêle de ce qui ne la regarde pas ?


+ Jean-Paul Jaeger
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 3917 visites