Véritablement nouveau
Lettre de Mgr Jaeger - Eglise d'Arras N°8
Arras, St Jean-Baptiste Les premiers mois de l’année 2011 ont été fertiles en événements qui ont posé à la conscience humaine des questions fondamentales. La gestion du quotidien évite habituellement d’y répondre. Les circonstances ont remis, de force, sur la scène de l’existence humaine, les interrogations que l’opinion souvent anesthésiée ne peut pas ou ne veut pas entendre.
Des peuples ont clamé avec succès leur revendication de liberté, de respect, de reconnaissance. Pour d’autres la même requête se heurte encore à des régimes autoritaires qui entendent sauvegarder, coûte que coûte, leur emprise et leur pouvoir.
Le savoir-faire de l’homme a permis au Japon de contenir nettement mieux que naguère en Haïti les effets d’un séisme pourtant plus redoutable. Les conséquences sont, malgré tout, humainement et écologiquement dramatiques. La technique si sûre d’elle-même est vaincue lorsqu’il s’agit de colmater les brèches ouvertes dans les structures d’une usine de production nucléaire d’énergie. Non, l’être humain n’est pas tout-puissant
Des peurs et des craintes naissent, s’entretiennent, s’amplifient dans des domaines différents. Elles obscurcissent le présent et l’avenir. Elles bouchent l’horizon des jeunes générations. Elles engendrent la méfiance à l’égard de toute personne susceptible de bouleverser l’univers culturel dans lequel chacun pense pouvoir trouver sa sécurité.
Quand manquent les principes qui justifient et expliquent, lorsque les solutions immédiates font défaut, l’autre est toujours responsable, il devient menaçant et porte l’odieux d’un mal auquel il est sinon impossible, du moins insupportable de donner un nom. Il arrive même que cette autre soit Dieu !
Qu’importe si pour expliquer les guerres, les famines, les maladies, les ruptures, les faillites, le chômage, la pauvreté, la faim, il faut incriminer les cultures, les religions, les races, les langues, pourvu que la responsabilité de l’individu, de son groupe ou de la nation à laquelle il appartient ne soit pas mise en cause.
Ce constat n’empêche pas la solidarité, la générosité, le partage, l’accueil, la disponibilité, la fraternité. Ces ferments d’humanité se mêlent à la pâte du chacun pour soi. Ils ne sont pas totalement anéantis par la recherche de bonheurs fugaces et de certitudes provisoires auxquels il fait bon de se raccrocher au moins pour un moment. Il est nécessaire de découvrir qu’il y a plus et mieux en chaque être humain que les satisfactions éphémères qui entretiennent l’espoir.
Nous allons célébrer un Dieu qui meurt. Peut-on imaginer une échéance plus désespérante que celle-là ? Dieu Lui-même est injurié, méprisé, tourné en dérision, donné en spectacle sur une croix et mis à mort au son des cris de haine et des ricanements de la vengeance. Reste-t-il une seule entreprise, même divine, susceptible de venir à bout de nos faiblesses, de nos chutes et de nos reniements ?
Sur la croix, logiquement, l’avenir se ferme et prend le visage de la fatalité et de la résignation. Pourtant, cette mort demeure étrange. Elle n’est pas arrachée, elle est offerte. Jésus n’est pas réduit au silence et à l’infamie. Il avance jusqu’au degré suprême du service. Sous l’écorce de la souffrance et de la mort, coule déjà la sève d’un Amour et d’une vie plus forts que tout, que la mort elle-même. Le Fils de Dieu sort vainqueur du tombeau, Il est vivant.
En lui, tous les membres de la famille humaine sont appelés à entrer dans la Vie à laquelle désormais aucune force ne résiste. L’existence humaine a un sens. Rien n’est perdu de tous les efforts de l’humble service qui se fraie un chemin parfois bien sinueux parmi nos égoïsmes. Tout ce qui semble nous être enlevé lorsque nous acceptons de marcher à l’école et à la suite du Christ devient en Lui trésor de vie nouvelle plus puissante que la mort.
Le pape Benoît XVI écrit : « … si Jésus est ressuscité, quelque chose de véritablement nouveau s’est produit qui change le monde et la situation de l’homme. Lui, Jésus, devient alors le critère, sur lequel nous pouvons nous appuyer. Car Dieu s’est alors vraiment manifesté. [1]»
Telle sera bien la certitude des baptisés de la vigile pascale dans notre diocèse comme partout dans le monde. Dans la joie et dans la paix nous accueillerons l’espérance qui ne peut pas être déçue lorsque nous proclamerons avec eux : « Je crois ! »
Alléluia, Alléluia, Alléluia !
+ Jean-Paul JAEGER