2006 : Du travail et du courage !
Les voeux de Mgr Jaeger
En ce début de l’année 2006, le travail demeure au cœur de nos préoccupations communes. Pour beaucoup, il fait défaut. Il constitue une réalité économique ; il restera longtemps encore le signe et la marque de l’insertion sociale d’un être humain dans la société. Nous sommes trop souvent témoins des ravages que le manque de travail occasionne dans les personnes, dans les communautés et dans les relations. Le travail ne permet pas simplement de gagner la vie. Il fait exister !
Même s’il faut, hélas, renouveler inlassablement les mêmes souhaits, nous désirons ardemment que des jeunes et des moins jeunes ne soient pas indéfiniment privés d’un emploi qui les reconnaît et leur donne une place dans la famille humaine.
Il y a bien sûr d’autres modes de travail que celui qui permet d’obtenir la juste rétribution par le biais du salaire. Les retraités, les membres de toutes les organisations, les bénévoles des associations, celles et ceux qui engagent leur vie au service des autres ne relèvent peut-être pas des catégories de personnels recensés par le code du travail. Ils jouent pourtant un rôle essentiel dans le patient maillage des liens sociaux. Sans ce généreux labeur, une société ne serait qu’un gigantesque rassemblement d’individus cherchant à défendre leurs propres intérêts et à organiser leur survie.
Notre pays peut s’honorer de l’abondance, de la diversité et de la richesse de ses associations. Elles témoignent de l’investissement de nos concitoyens au bénéfice du bien commun et du mieux être de leurs semblables. En des temps où l’on répète que le tissu social tend à se déchirer, nous ne serons jamais assez reconnaissants à tant d’anonymes qui ne baissent pas les bras devant l’adversité et tracent des chemins pour que tous aient la joie de découvrir la fraternité et la solidarité. En ce début d’année, j’ose, une fois de plus, espérer que l’évolution de la législation et le développement de la réglementation ne briseront pas l’élan de tant de volontaires.
N’ayons donc pas peur de faire l’éloge du travail ! Encore faut-il le mener avec courage. Cette vertu doit aujourd’hui nous aider à regarder au-delà de nos propres limites et de l’immédiat. Le monde qui entre dans une nouvelle année est agité par les contractions de l’enfantement. Il ne suffit pas de fermer les yeux, de se boucher les oreilles, ni de se replier sur l’hexagone pour échapper aux mutations et aux découvertes qui impriment leur sceau sur ce début de millénaire. L’émergence de pays longtemps tenus à l’écart du grand mouvement de la planète bouleverse les données de l’ordre économique, politique et culturel naguère gérées et dominées par l’Occident. Le réveil de l’Asie, pour ne citer que lui, perturbe cet ordre et engendre des révisions déchirantes dont les habitants de notre pays et de l’Europe ne mesurent pas encore tous les effets.
Dans ce contexte, notre société française aura besoin de prophètes qui oseront proclamer, au risque de l’impopularité, quelques évidences que nous imposent les circonstances. Soulignons-en quelques-unes. Il est urgent de sortir de la logique du chacun pour soi. L’endettement croissant de notre pays l’installe sur une bombe à retardement dont les générations futures pâtiront de l’explosion. Les disparités dans la distribution des richesses entre le Nord et le Sud ne peuvent qu’alimenter les flux d’une immigration dont on se plaindra ensuite de l’anarchie. L’exploitation immodérée de la terre entraîne des conséquences durables dont il faudra bien assumer les manifestations. La course à la consommation élargit le fossé entre ceux qui peuvent entretenir ce jeu et ceux qui en sont, plus ou moins, voire définitivement, exclus.
De tels prophètes ne devront pas manquer de courage. Non, ils ne se lanceront pas dans de nouvelles croisades ! Ils ne tenteront pas de reconquérir un espace perdu. Ils ne joueront pas les oiseaux de mauvais augure. Puis-je leur souhaiter d’être tout simplement disciples de Jésus Christ habité par l’Amour de son Père et l’Amour de l’humanité ? Il est venu chez les siens, même si les siens ne l’ont pas reçu. Certes, Il a osé parler, à temps et à contre-temps. Il a donné les signes d’une parole qui donne la vie. Loin de tenir un discours vengeur, Il s’est livré Lui-même jusqu’à la mort.
Comme Il le dit Lui-même dans l’Évangile selon Saint-Jean, le Christ est toujours à l’œuvre. Il a eu le courage de son Amour. N’ayons donc pas peur, à sa suite et tout au long du chemin qui s’ouvre devant nous, de travailler et d’avoir du courage !
Bonne année 2006 !
+ Jean-Paul JAEGER.