Homélie d'ordination

Eglise d'Arras ° 13

 

Ordinations juin 2009 Ordinations juin 2009   Ordination presbytérale d’Emmanuel Fontaine.
Ordination diaconale de Pierre Poidevin.

 

Job 38, 1.8-11; 2ème Corinthiens 5, 14-17 ; Marc , 35-41.

 

Tout au long de cette année apostolique 2007-2008, il a été proposé, dans notre diocèse, une lecture continue de l’Évangile selon Saint-Marc. Fidèles du Christ, sympathisants, invités, se sont regroupés en des centaines de « maisons d’Évangile » pour accueillir, en toute simplicité, la Bonne Nouvelle, proclamée par Jésus de Nazareth, Fils de Dieu.

Dieu, seul, sait les fruits que porteront ces multiples rencontres dans les villages, les quartiers, les immeubles, les maisons de retraite. Le bon grain a été semé ! La moisson et la récolte appartiennent à l’Esprit de Dieu. Nul doute qu’elles nous révéleront des merveilles cachées dont le Seigneur a le secret.

 

La Providence nous fait, cet après-midi, un nouveau clin d’œil. La liturgie de ce 12ème dimanche du temps ordinaire nous met dans les oreilles et dans le cœur un passage de l’Évangile selon Saint-Marc.Jésus y déborde d’activités. Il a parlé toute la journée. À deux reprises, l’évangéliste précise qu’Il s’est adressé à la « foule. » L’activité est à ce point soutenue que les disciples emmènent Jésus « tel qu’Il était. » Il ne prend pas le temps de revêtir une tenue plus adaptée à la traversée. Peut-être omet-il de se restaurer et de se désaltérer. La suite du texte nous laisse entendre que Jésus est épuisé et qu’Il a sommeil.

 

La journée n’est cependant pas finie. Le plus dur reste à faire. Dans la tradition biblique, la mer est le lieu qu’habitent les forces du mal. Le déchaînement des éléments et la tempête renforcent cette croyance. Jésus est venu sur cette terre pour affronter toutes les puissances néfastes, quels que soient leur nom, leur mode d’intervention ou d’expression. Il mène ce combat avec sérénité et confiance reprochant à ses apôtres, leur peur.

 

Le Christ est venu vaincre toutes formes de blessure, de souffrance et de mal même lorsque les apparences permettent de supposer qu’Il les ignore, qu’Il ne peut rien contre elles, pire, qu’elles le laissent indifférent. Décidément, ce prophète ne fait rien comme les autres. Ses paroles, ses faits et gestes échappent à tous les critères d’analyse qui ont cours dans la vie religieuse d’un peuple qui attend désespérément l’envoyé de Dieu.

Mais qui est donc cet homme qui parle avec une telle conviction ? Qui est-il pour tenir tête aux Scribes, aux Pharisiens, et aux prêtres, « qui est-il donc pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

 

Ce questionnement traverse tout l’Évangile selon Saint-Marc. La réponse décisive est donnée à la fin du texte lorsqu’un païen, centurion de l’armée romaine de surcroît, proclame devant Jésus Mort sur la Croix : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu. »

Si Jésus pose ainsi question à ses contemporains et aux premières communautés de croyants, il n’est pas étonnant que ses ministres, les prêtres notamment, constituent, maintenant encore, une vivante interrogation pour celles et ceux qu’ils rencontrent et côtoient.

 

Dans la lettre qu’il a rédigé à l’occasion de l’ouverture de l’année sacerdotale, le Cardinal Claudio Hummes, Préfet de la Congrégation pour le Clergé ne dit pas autre chose en écrivant : « Cette année doit être aussi l’occasion d’une période d’approfondissement intense de l’identité sacerdotale, de la théologie du sacerdoce catholique et du sens extraordinaire de la vocation et de la mission des prêtres dans l’Église et dans la société. »

Emmanuel et Pierre, au moment où l’assemblée a les yeux fixés sur vous à l’occasion de votre ordination presbytérale ou diaconale, vous ne pouvez pas faire fi de cette légitime curiosité. Son intensité est d’autant plus forte que, malgré la joie et la fermeté de votre engagement, nul, ici, ne peut ignorer les conditions concrètes dans lesquelles vous exercerez votre ministère.

Vous le vivrez au sein d’un presbyterium dont les effectifs diminuent en nombre et croissent en âge. Il y va de la lucidité et de la vérité que de le reconnaître. Vous vous apprêtez à collaborer avec une multitude de fidèles laïcs passionnés comme vous et avec vous par l’annonce de la Parole de l’Évangile, le témoignage rendu au Christ et l’humble service accompli par Celui qui s’est anéanti jusqu’à mourir par amour sur une croix.

 

Rien ne serait plus dramatique que d’analyser cette situation aussi heureuse que nécessaire en terme de rapport de forces ou de rivalité. La Parole de Dieu elle-même nous livre la clef de lecture de cette réalité et met en lumière la place unique et irremplaçable du ministère ordonné, quoi qu’il en soit du nombre, de l’âge des ministres et des fonctions qu’ils peuvent être appelés à remplir.

L’Église est un Peuple, un Corps. Notre assemblée en est, en ce moment, et en ce lieu, la vivante attestation. Ce Peuple, ce Corps n’auraient, cependant, aucune unité, aucune cohésion si, en elle-même et pour le monde, l’Eglise ne bénéficiait pas du ministère ordonné.

Il ne s’agit pas de reconnaître le pouvoir des uns par rapport aux autres. Il en va de la relation au Christ Lui-même. Les prêtres, les diacres, les évêques ne sont pas les gestionnaires suprêmes des multiples organisations et activités par lesquelles l’Église remplit sa mission. Ils sont signes de Jésus Christ.

 

Façonnés par l’Esprit de Dieu et modelés à l’image du Christ, ils annoncent, comme ce jour-là sur les rives de la mer de Galilée, sa Parole jusqu’à l’épuisement parfois. Ils s’adressent à la multitude, ils dénoncent les forces du mal et luttent contre elles. Ils guérissent. Ils pardonnent. Comme Jésus, ils posent question. Et dire que notre société voudrait si souvent que les prêtres ne leur renvoie que le reflet de sa propre image !

 

Mes amis, ne cherchez pas à dissoudre la personne et la mission de vos prêtres dans des faits et gestes, des propos et des attitudes, des modes de vie ou un caractère qui les rendraient parfaitement assimilables par les courants d’opinion les plus répandus. En chaque ministre ordonné, se révèle le Christ dont l’identité profonde ne se dévoile que lorsqu’Il a tout donné et s’est donné Lui-même jusqu’à mourir par amour.

 

Emmanuel et Pierre, au sein du Peuple de Dieu, plongés dans notre humanité, vous serez vénérés, admirés, aimés. Vous retrouverez ces termes dans la lettre du Cardinal HUMMES. Vous annoncerez la Bonne Nouvelle avec talent et compétence. Comme les apôtres, vous remporterez des succès apostoliques. Vous vous heurterez parfois à des obstacles. Vous connaîtrez l’échec. Vous ouvrirez des cœurs à la guérison qui vient de Dieu.

N’oubliez jamais que votre compétence, votre savoir-faire, votre prière elle-même, ne seront féconds et efficaces que s’ils laissent transparaître en vous le Christ qui meurt sur la croix avant de recevoir la gloire de la résurrection.

 

Rien de votre ministère ne vous appartiendra. Le but en est tracé par Saint-Paul lorsqu’il écrit aux Corinthiens : « Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur Lui qui est mort et ressuscité pour eux. » Tout ce que vous serez et vivrez au nom du Christ Lui-même dira à vos frères que s’ils sont en Jésus Christ, ils seront une créature nouvelle.

 

L’Eucharistie occupera, dans votre ministère comme dans la vie de toute l’Église, la place centrale. Il ne s’agira pas de survaloriser un rite encore reconnu chez nous comme le signe distinctif des catholiques. Vous la présiderez pour que le Peuple de Dieu sache et n’oublie pas que le centre de sa vie et de celui des hommes est déplacé, qu’il est désormais situé en Jésus Christ Mort et ressuscité. C’est par Lui que « le monde ancien s’en est allé » et que « le monde nouveau est déjà né. »

 

Chers amis venus accompagner Emmanuel et Pierre de votre prière et de votre amitié, avec vous, je fais notre la conviction du Préfet de la Congrégation du Clergé : « Dans leur écrasante majorité, les prêtres sont des personnes très dignes, consacrés au ministère, des hommes de prière et de charité pastorale qui investissent toute leur existence dans la réalisation de leur vocation et mission, souvent avec de grands sacrifices personnels, mais toujours avec un authentique Amour pour Jésus Christ, l’Église et le peuple, solidaires avec les pauvres et ceux qui souffrent. C’est pour cela que l’Église est fière de ses prêtres à travers le monde entier. »

 

Ce qui est donné aux prêtres n’est jamais pris aux fidèles laïcs et vice versa. Il leur appartient d’être ensemble la lumière qui brille dans d’un monde qui aspire à son achèvement, à sa pleine réalisation dans l’Amour de Dieu. Fidèles du Christ, cherchez en vos prêtres, en vos diacres et auprès d’eux le Christ qui, vous saisissant dans son Amour, vous appelle encore et toujours à proclamer les merveilles de Dieu et à les partager avec celles et ceux qui en ont faim et soif.

 

Jeunes amis venus entourer cet après-midi, Pierre et Emmanuel, ne faites surtout pas taire le Seigneur et son Église lorsque l’un et l’autre vous disent que pour remplir cette mission de l’Amour, ils appellent, aujourd’hui comme hier, de jeunes hommes. Ils guettent impatiemment l’audace et l’ardeur de la réponse, pourquoi pas de votre réponse ?

 

+ Mgr Jaeger, 21 juin 2009

 

L'ordination