Divine, Pauvreté, vraie richesse
Église d'Arras n°21
Il suffit de parcourir l’Evangile pour constater que dès sa naissance jusqu’à sa mort, et même après sa résurrection, Jésus de Nazareth a gêné et dérangé. Les polémiques que suscite, ici et là, l’implantation de crèches dans l’espace public ne font en rien preuve d’originalité.
Il y a belle lurette que l’Eglise a largement offert à toute l’humanité l’image de la crèche. Elle n’a jamais prétendu en faire une sorte d’exclusivité qui constituerait la marque déposée du christianisme. Même si elle le voulait, elle ne le pourrait pas.
La scène de l’étable de Bethléem est, certes, racontée dans l’Evangile. Elle a été popularisée par Saint François d’Assise, mais elle n’a en elle-même rien qui puisse troubler les esprits. Elle manifeste la détresse d’un couple qui se voit contraint de vivre une naissance dans le plus grand dénuement. Elle expose la pauvreté. L’intervention des messagers divins est nécessaire pour attirer l’attention sur une situation mouvementée dans son déroulement, mais familière dans sa nature. C’est alors la foi qui est sollicitée.
Les esprits chagrins n’ont rien à craindre. Il est fort peu probable que la milice céleste vienne troubler les achats, les repas et retrouvailles tellement recherchés à l’occasion de Noël. Chacun pourra à sa guise organiser les festivités et le faire, pour certains, avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils auront évacué l’événement fondateur de leurs réjouissances.
Il est toujours possible d’organiser une foire aux vins en n’autorisant que l’exposition de bouteilles d’eau minérales sous prétexte que l’alcool nuit à la santé, mais où serions-nous alors et en vue de quoi ?
En se recueillant devant la crèche, les fidèles demanderont la grâce d’accueillir dans leur vie et dans celle du monde le Fils de Dieu fait homme qui épouse notre condition avant de nous offrir le salut. Il se révèle à qui Il veut et comme Il le veut. La représentation de sa naissance n’a jamais contraint qui que ce soit.
Faut-il en vouloir au christianisme de montrer Jésus en qui se rassemblent toutes les formes de pauvreté, de détresse, de solitude, de rejet qui rongent la famille humaine ? Qu’est-ce qui indispose dans cette rencontre ? Pourquoi faudrait-il cacher l’espérance et la promesse de salut qu’éveille depuis des siècles une naissance particulière ?
Qui n‘a pas, au moins une fois, ressenti l’appel à devenir meilleur en s’arrêtant devant une crèche ? Voilà que ce sentiment devrait ne plus avoir droit de cité dans le hall d’entrée d’un hôtel de département ou une sur place publique. Est-il soudain marqué du sceau de la perversité au seul prétexte qu’il plonge ses racines dans la foi chrétienne ?
Nul n’est tenu d’entendre l’exhortation à respecter la grandeur et la dignité de l’homme qu’adressait récemment le pape François à des hautes instances européennes. Le saint Père n’a pas, et les Chrétiens n’ont pas avec lui, le monopole d’une telle invitation. Notre société perdrait, cependant, beaucoup à se priver de l’apport des hommes et des femmes qui professent dans le monde entier Le mystère de Dieu fait homme. Il se fait pauvre parmi les pauvres pour vaincre toutes les formes de pauvreté qui défigurent la vivante Image de Lui-même que Dieu veut contempler en chacun de ses enfants.
Il est sans doute insupportable à beaucoup de nos contemporains de ranger la meurtrissure du péché parmi ces pauvretés. Est-ce pour cette raison que l’enfant de la crèche doit disparaitre ? Un seul regard posé sur lui pourrait engendrer une mauvaise conscience tellement mal venue en ce siècle où l’homme court après la toute-puissance et veut se persuader qu’il se la donnera à lui-même.
C’est sans doute là que le bât blesse le plus ! L’être humain ne supporte plus de regarder et d’accepter sa pauvreté. Tout ce qui la lui rappelle le contrarie. C’est oublier que Dieu ne vient pas reprocher à l’homme sa pauvreté. Il vient la combattre et lui faire don en son Fils fait homme de l’unique richesse qu’Il est Lui-même.
N’ayons pas peur, au risque de paraître pour des naïfs ou des crédules, de faire halte, à nouveau, devant la crèche. Nous y retrouvons notre faiblesse et celle de la famille humaine. Nous y recevons la promesse de demeurer des enfants bien-aimés, nous y côtoyons des frères et des sœurs avec lesquels nous ferons route et que nous servirons.
Dans l’admirable échange entre Dieu et l’homme que chante la liturgie de Noël, nous recevons la force de lutter avec les victimes de toutes les guerres, des fanatismes, des persécutions, des atteintes à la vie, des exils, de la misère, de l’exploitation, des égoïsmes. Nous recevons et nous partageons l’Amour !
Saintes et belles fêtes de Noël !
+ Jean-Paul JAEGER