Ecouter pleurer les innocents

Lettre Mgr Jaeger, EA 4-2016

« ECOUTER PLEURER LES INNOCENTS.[1] »

 

Le temps du carême nous met davantage en contact avec les catéchumènes. Certains d’entre eux seront baptisés, confirmés et communieront pour la première fois au Corps et au Sang du Christ lors de la prochaine veillée pascale.  Ils ont été solennellement appelés à vivre ces sacrements lors de la récente célébration de l’appel décisif.

            La démarche catéchuménale fait partie intégrante du quotidien de l’Eglise. Elle ne concerne pas quelques originaux qui rejoignent tardivement le peloton. Ils ne participent pas à une session de rattrapage. Ils ne viennent pas occuper les strapontins que leurs réserveraient les fidèles bien établis. Les catéchumènes sont la manifestation de l’œuvre toujours étonnante de l’Esprit Saint qui souffle où il veut et comme il veut. Il suffit de lire leurs lettres de demande pour découvrir et comprendre que décidément les voies de Dieu ne sont pas nos voies.

            Nous aurions tort de regarder de loin, même en admirant leur parcours,  des hommes et des femmes qui témoignent que la Miséricorde de Dieu les  touchés dans leur chair, dans leur cœur, dans leur histoire. Ils savent ce que signifie l’intrusion de Dieu dans leur existence. Ils peuvent dire à quelles conversions ils ont été menés.

Une communauté paroissiale qui ne suscite pas de catéchumènes,  ne les accueille pas, ne les accompagne pas s’affaiblit, vieillit et marche vers sa mort. Il lui revient aussi de faire place aux néophytes qui ont besoin d’être fortifiés dans la foi, leur insertion dans l’Eglise et sa mission par leurs aînés tout en leur apportant l’élan et le dynamisme de la jeunesse et de la nouveauté.

            En faisant route avec les catéchumènes, nous entendons pour nous-mêmes l’appel du pape François : « Voici le temps favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur.[2] » Le temps du carême est associé dans nos mémoires et par nos pratiques à la notion de sacrifices, d’efforts, de maitrise, de partage. Ces gestes ont une valeur, même si elle est souvent éphémère, mais ils nous renvoient à notre seule satisfaction s’ils ne manifestent pas un authentique désir de conversion.

           Réfugiés à Calais 13 Réfugiés à Calais 13   Le pape poursuit : « Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse.[3] »

            Notre foi nous invite à ne rester indifférents à aucune détresse. Elle nous interdit d’éclaircir notre horizon en chassant loin de nos regards les blessures et les souffrances qui, sur toute la planète ou à notre porte, attestent de façon concrète que le mal est là ! Nous ne pouvons pas troquer la vie de l’un contre la mort de l’autre, la sécurité de celui-ci contre l’abandon de celui-là, l’argent du plus riche contre la misère du plus pauvre. C’est bel et bien à la conversion que nous sommes tous appelés !

 

            Toutes les raisons de l’afflux de personnes migrantes ou réfugiées sont connues. Nous en voyons chaque jour les conséquences. Nous ne pouvons pas en minimiser l’importance et les effets. Il serait toutefois injuste et inhumain de sacrifier des personnes à l’incapacité des individus, des peuples, des gouvernants, des instances internationales de nommer et d’éradiquer le mal qui poussent les êtres humains hors de chez eux. La globalisation nous oblige, elle aussi,  à la conversion. Celle-ci est exigeante, difficile.

Plus près de nous, nous sommes tous et toutes d’accord pour rassembler, unir et mobiliser contre la pauvreté, l’injustice, l’isolement, le racisme, l’exclusion. Cette lutte suscite parfois notre générosité et notre engagement. Nous veillons cependant jalousement à ce  qu’elle ne remette pas fondamentalement en cause nos acquis, notre bien-être, notre suprématie. Nous nous accommodons fort bien de mesures régulièrement promises et attendues qui dissimulent provisoirement le mal sans s’y attaquer réellement. Faut-il des réformes ? Sans doute ! Des conversions ? Plus sûrement encore !

 

            Dans une société qui ne sait plus bien à qui et à quoi se vouer pour assurer sa cohésion, l’Eglise doit avoir l’audace de tracer le chemin de la conversion. Elle a  mission d’en donner les signes qu’elle reçoit elle-même de son Seigneur qui livre sa vie par Amour.

            Comme chaque année, nous serons sollicités pour élargir nos horizons, donner un peu de ce que nous sommes et de ce que nous avons, nous laisser remettre en question par des frères et sœurs d’autres pays, d’autres cultures. C’est notamment le cas avec la campagne annuelle du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement.

            Avons-nous conscience à travers ces gestes et ces attitudes d’être conduits à suivre la route ouverte par le pape François : « Il suffit d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre à la justice, tandis que l’Eglise offre la Miséricorde.[4] »

 

 

                                                                                  + Jean-Paul JAEGER

           

Dès à présent, j’invite toutes les communautés à être représentées à la messe chrismale qui sera célébrée le mardi 22 mars à 10 heures en l’église Saint Vaast de LAVENTIE. Les prêtres, les diacres et leurs épouses y sont particulièrement attendus.

 

[1] Pape François – Le visage de la Miséricorde § 19.

[2] Pape François – Le visage de la Miséricorde § 19.

[3] Pape François – Le visage de la Miséricorde § 19.

[4] Pape François – Le visage de la Miséricorde § 19.