Noël

Eglise d'Arras n°1

Cathédrale d’Arras                                                                                            24 décembre 2014

 

 

Nuit de Noël

 

Isaïe 9, 1-16

Tite 2, 11-14

Luc 2, 1-14

           

 

Cathédrale d'Arras Cathédrale d'Arras  
La crèche
La crèche
Cette nuit s’achève un long parcours. Il a débuté par les illuminations de nos places et de nos rues. Il est passé par la traditionnelle lettre au mystérieux personnage que les enfants guettent avec impatience. Il a mis à rude épreuve les nerfs dans les files d’attente des magasins. Il a fait écarquiller les yeux et réchauffé les cœurs dans les allées des marchés de Noël.

 

            Rassurez-vous ! Ces propos ne contiennent aucun reproche à l’égard de  l’immense partie de l’humanité qui a préparé la fête et désire qu’elle concerne le plus de monde possible. Comment ne pas se réjouir quand les familles se rassemblent ? Pourrions-nous  rester insensibles à l’émerveillement des enfants ? Faut-il bouder les sourires plus généreux qui irradient des visages trop souvent fermés. Le mystère de Noël nous saisit une fois de plus.

 

            Nous n’oublierons pas, cependant, la part de la famille humaine qui ne peut pas se réjouir comme nous le faisons. Les blessures personnelles ou familiales, les guerres, les fanatismes, la misère, la privation de liberté, l’exil, le deuil, la maladie, la solitude tiendront encore trop de nos semblables à l’écart des réjouissances. Nous avons une pensée particulière, cette nuit, pour les Chrétiens d’Orient qui fuient la persécution, pour les migrants de notre littoral en quête d’une terre hospitalière.

 

            La préparation de Noël a mobilisé des sommes considérables d’énergie. Nous croyons sincèrement que ce surcroit de dynamisme se déploie pour le bonheur, la joie, l’unité, le pardon, la réconciliation. Tels sont les précieux trésors que nous voulons sauvegarder, promouvoir ou retrouver. Nous avons la certitude que dans la nuit de Noël, nous sommes proches du but.

 

            Nous n’avons pas tort, mais la recherche débouche quand même sur une monumentale surprise. Au cours des semaines écoulées, de rares esprits chagrins ont vu d’un mauvais œil la présence de crèches dans l’espace public. Que signifierait toute l’allégresse de Noël s’il n’y avait pas la crèche ?

 

            En quoi un homme, une femme qui s’extasient devant un nourrisson venu au monde dans des conditions précaires offusqueraient-ils la laïcité ? Une telle fragilité n’a rien de menaçant ou de provoquant. Elle semble tellement dérisoire.

 

            C’est pourtant là qu’aboutit le long et fastueux chemin de nos préparatifs. Nous recevons un tout-petit enfant. Ses parents sont d’illustres inconnus de Nazareth. Le bébé naît lors d’un trajet qui n’a pas ménagé la future maman. Par respect et dignité, l’événement se déroule dans une étable. Il faudra que des messagers venus du ciel rameutent quelques bergers pour faire entrer doucement l’humanité dans un profond mystère.

 

            Depuis des siècles, le peuple d’Israël attendait le sauveur promis par Dieu. Les prophètes en avaient patiemment annoncé la venue. Il viendrait soulager les peines, les infidélités, l’idolâtrie d’hommes et de femmes qui avaient cru possible d’assurer leur bien-être en tournant le dos à Dieu. Ils s‘étaient coupés de la source de la vie et ils souffraient.

 

            Ils attendaient un roi, un chef, une autorité, un guerrier. Ils désiraient la force, la puissance, le génie. Ils ne découvrent qu’un enfant de pauvres ressemblant bien peu au portrait-robot que, dans leur tête plus que dans leur foi, ils avaient imaginé.

 

            Tout çà pour çà ! Peut-être sommes tentés de penser, en cet instant, qu’après tout, il vaut mieux garder de Noël la fête, le réveillon et les cadeaux en laissant la crèche aux rêveurs et aux naïfs.

 

            Mes amis, arrêtons-nous un  instant. Ouvrons les yeux et le cœur ! Nous risquons de passer à côté de Dieu et de perdre le sens de notre propre vie. Rien dans notre histoire et notre logique nous conduit spontanément à la crèche. Nous avons appris que Dieu est maître, juge, législateur. Nous avons oublié qu’il s’est fait l’un d’entre nous. L’Enfant que bercent et réchauffent Marie et Joseph est Dieu. Oui, vraiment Dieu en Jésus qui se fait humble, petit, faible. Il est tout le contraire de ce que nous dit de Lui notre mémoire et notre savoir.

 

            Nous n’avons rien à craindre d’un tel Dieu. Il ne nous accable pas de reproches, ne nous condamne pas, ne nous rejette pas. Il nous invite seulement à grandir avec lui et à partager, sans réserve, l’Amour qu’il nous offre, l’Amour qu’Il est Lui-même.

 

            Dans la nuit de Noël une vie commence sur cette terre, celle de Dieu fait homme.  Notre propre vie avec le Christ commence ou recommence. Tout est possible quand on accueille un enfant. Nous savons déjà qu’en faisant route avec l’Enfant de la crèche,  nous le verrons livrer sa vie par amour pour chacun d’entre nous, par amour pour chaque être humain.

 

            Lorsque Joseph et Marie ont quitté Nazareth pour Bethléem, ils ont laissé derrière eux toutes les sécurités qui leur auraient permis d’accueillir Jésus comme le font tous les bons parents. Que ne ferait-on pas pour bien recevoir un enfant ? Ils ont dû renoncer à cette légitime fierté et n’avoir soudain que Jésus lui-même comme unique, vraie et précieuse richesse.

 

            N’avoir soudain Jésus que pour unique, vraie et précieuse richesse. Je souhaite que s’inscrive en chacun de nous ce désir lorsque que nous ferons halte devant la crèche. Alors nous serons fous, fous de la folie de Dieu qui fait descendre le ciel sur la terre et inscrit son amour dans toutes les réalités de notre vie. Il vient les renouveler, les réorienter, leur faire porter les fruits d’un amour que nous sommes incapables de nous donner à nous-mêmes, mais qu’il nous offre.

 

            N’avoir soudain Jésus que pour unique, vraie et précieuse richesse. A partir de ce moment, nous deviendrons, malgré le poids de nos faiblesses et de notre péché, les modestes, mais authentiques artisans de paix, de justice, de fraternité, de partage. Avec toute l’humanité proche ou lointaine, nous travaillerons joyeusement à l’avènement  du règne de l’Amour.

            Mes amis, prenez la main que vous tend le nouveau-né de la crèche. Il vous apprendra à aimer, car s’il est là couché dans la paille, c’est parce qu’il vous aime !