La joie de l'amour

Lettre n°8-2016

LA JOIE DE L’AMOUR.

 

Francois et la famille Francois et la famille  

Il n’a fallu que quelques mois au pape François pour rédiger et promulguer l’exhortation apostolique qui suit deux synodes sur la famille. La rapidité n’empêche pas le Saint Père de proposer au Peuple de Dieu un véritable travail d’orfèvre. La longueur d’Amoris Laetitia s’explique en partie par la précision des descriptions, la finesse de l’analyse, le détail des préconisations.

 

Le pape ne bouleverse pas la doctrine du couple, de la famille et du mariage. Il se situe dans la droite ligne de ses prédécesseurs qu’il cite abondamment. Il invite même les grands ancêtres de la théologie. Avec l’art de la formule que nous lui connaissons désormais, le pape François enrichit, à sa manière, la réflexion théologique en ces domaines.

 

La clé de lecture est livrée dès le début du texte : « les débats qui se déroulent dans les moyens de communication ou bien dans les publications et même entre ministres de l’Eglise, vont d’un désir effréné de tout changer sans une réflexion suffisante ou sans fondement, à la prétention de tout résoudre en appliquant des normes générales ou bien en tirant des conclusions excessives de certaines réflexions théologiques.[1] »

Pour échapper à cette opposition stérile, le pape fait entrer la beauté et le trésor de l’amour conjugal et familial dans la réalité mouvante et temporelle de l’histoire des individus et des sociétés. Il ne s’agit plus pour chacun d’appliquer rigoureusement des normes dont il devrait réussir instantanément et parfaitement la mise en œuvre en lui : « Tout en exprimant clairement la doctrine, dit le pape, il faut éviter les jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition. [2]»

 

            Le chemin de la foi n’exclut jamais les membres de la famille humaine qui peinent et chutent sur les chemins de la vie parfaite. C’est bien ce chemin-là que l’Eglise indique et révèle. Elle ne l’abandonnera pas, mais elle n’oublie pas qu’il faut des étapes pour le parcourir, que tous n’avancent pas au même rythme. Mère attentive, l’Eglise ne se contente pas de montrer et d’enseigner ce qui est vrai, bon et beau. Elle n’indique pas seulement du doigt le terme de la route, elle emprunte le chemin avec chaque fils, chaque fille, chaque couple, chaque famille.

 

 

Une véritable attitude pastorale ouvre les cœurs à l’exigence de la vie des disciples du Christ et au témoignage qui lui est rendu. Elle exprime la fidélité totale et définitive d’un Amour dont l’amour conjugal et famille sont les signes et les instruments, notamment dans la grâce du sacrement de mariage. Ce don se déploie, toutefois, jour après jour, à travers les obscurités, les ignorances, les habitudes, les erreurs qui jalonnent le long parcours au long duquel l’être humain, un couple, une famille se construisent.

Loin d’exclure des membres qui ne répondent pas aux critères de l’adhésion accomplie, totale et immédiate, l’Eglise cherche par tous les moyens que le Seigneur lui a donnés d’intégrer sans cesse tous ses membres au Corps du Christ.  Elle veut leur redonner la joie de l’amour même lorsqu’il est blessé.  Il doit et peut grandir en se laissant ajuster lentement et patiemment à l’Amour du Christ mort et ressuscité.

 

Il peut être insécurisant d’entrer dans les histoires personnelles et d’en dénouer tous les fils. Il est plus rassurant d’énoncer des vérités et d’évaluer le rapport des personnes à elles. Ce n’est pas le chemin qu’a emprunté le Christ. Il est entré au cœur de l’humanité. Il s’est fait homme. Sa présence, sa parole, sa sollicitude ont bouleversé et transformé des êtres. Jésus n’a pas jugé ou condamné, il a fait grandir et avancer. Il a relevé, il a pardonné, il a sauvé.

Il serait vraiment restrictif de ne retenir de l’exhortation que la possibilité ouverte à des personnes divorcées remariées de bénéficier, dans certains cas, de tous les moyens dont dispose l’Eglise pour leur offrir la grâce divine, y compris les sacrements. Tous les baptisés sont invités à redécouvrir non pas « l’idéal » de la famille, mais sa réalité riche et complexe. Le regard que nous sommes appelés à partager avec le pape se nourrit d’une forte attention pastorale à la réalité.

 

Les pasteurs sont très fortement sollicités par ce document. Ils ont une mission renforcée à remplir dans l’accompagnement, le discernement, l’intégration.  Ils comprendront mieux que leur ministère ne s’adresse pas à une foule anonyme, mais à des êtres de chair et de sang qui avec leurs familles apprennent, peu à peu, à se laisser gagner par le Christ qui est la Vérité.

L’appropriation de Amoris Laetitia demandera du temps, du travail, de la réflexion, de la prière. Le pape François le sait et lui-même nous donne quelques conseils : «  … je ne recommande pas une lecture générale hâtive. Elle sera plus bénéfique, tant pour les familles que pour les agents de pastorale familiale, s’ils l’approfondissent avec patience, morceau par morceau, ou s’ils cherchent en elle ce dont ils peuvent avoir besoin dans chaque circonstance concrète … J’espère que chacun, à travers la lecture, se sentira appelé à prendre soin avec amour de la vie des familles, car elles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité.[3] » Ainsi ferons-nous !

                                                                       + Jean-Paul JAEGER

 


[1] Amoris Laetitia § 2.

[2] Amoris Laetitia § 79.

[3] Amoris Laetitia § 7.

 

Lire présentation à http://arras.catholique.fr/exhortation-pape-sur-famille.html