Appeler : de quoi s'agit-il?

Septembre 2006. L'année de l'appel

Le rythme scolaire demeure dans notre pays une réalité incontournable. Dans notre société, il structure la gestion du temps, au grand dam quelquefois d’autres instances. La foi ne se met pas en vacances. Il arrive même qu’au cœur de l’été se produisent pour des personnes des événements décisifs et des rencontres bouleversantes qui marqueront définitivement leur vie.

 

Pourtant, l’Église, chez nous reste tributaire de l’organisation commune. Comme pour tous nos concitoyens, la notion de rentrée a un sens pour elle. Le mois de septembre nous permet de prendre un élan nouveau, de procéder à des remaniements ou d’ouvrir quelques chantiers. Alors, allons-y de bon cœur !

Je remercie celles et ceux qui, de façon particulière, se mettront au service de l’annonce de la Bonne Nouvelle, seront témoins du Christ qui nous mène au Père, par l’Esprit. Ils feront route avec leurs frères pour reconnaître et partager les signes de la Tendresse de Dieu. Dans le prochain numéro d’Église d’Arras, je donnerai les grandes lignes de notre feuille de route diocésaine. Je souhaite aujourd’hui, par anticipation, mettre en lumière l’un de ses éléments.

 

 À compter de l’Avent 2006, nous vivrons une « année de l’appel. » Nous redécouvrirons ensemble la responsabilité de tous les membres du Peuple de Dieu dans l’éclosion et la maturation des vocations de prêtres, religieux et religieuses.

  J’entends, d’emblée, une première objection : pourquoi pas les autres vocations ? Elles ne se comprennent que les unes par les autres, les unes pour autres. J’en conviens. Une bonne pédagogie doit conduire à une synthèse, elle doit aussi aborder les éléments, les uns après les autres et oser affronter dans la clarté les problèmes particuliers qui se posent.

Je vais ordonner 6 diacres permanents pour la seule année 2007. Je ne compte plus les lettres de mission par lesquelles, je confie à des fidèles laïcs des  charges spécifiques. Depuis que je suis évêque du diocèse, 9 prêtres ont été ordonnés, j’ai présidé 3 professions perpétuelles. Il n’est donc pas déplacé de focaliser, un moment, l’attention sur la nécessité du ministère des prêtres, la signification et l’apostolat des religieux et religieuses ! L’effet zoom ne nous fera pas perdre de vue la cohérence entre toutes les vocations.

Je reçois assez régulièrement de douloureux courriers qui évoquent l’absence de prêtre lors d’une célébration de funérailles. D’autres moins nombreux, mais bien réels me reprochent de laisser présider ces cérémonies par des prêtres qui n’en ont, selon leurs dires, manifestement plus la force ou la capacité. Ils devraient, écrit-on le plus sérieusement du monde, « laisser leur place à un plus jeune ! » 

 

 Mars 2005. Parmi eux, trois seront ordonnés prêtre en 2007 Mgr Jaeger, professeurs et seminaristes  
Mars 2005. Parmi eux, trois seront ordonnés prêtre en 2007
Mars 2005. Parmi eux, trois seront ordonnés prêtre en 2007

Monseigneur Jaeger avec les séminaristes

  

Je comprends ces fidèles et je leur explique la situation de notre presbyterium. Cependant, je leur fais part de mon étonnement. L’évêque doit donner des prêtres, mais il doit les sortir d’une cachette secrète ou tout banalement les faire venir de l’étranger ! Comment oublier la remarque qui fusa un jour en retour de la stupide question que je posais à une maman très engagée dans la vie de l’Église locale : « Nicolas n’a jamais songé à être prêtre ? » - « Ah, Monseigneur, ne parlez pas de malheur ! » Rassurez-vous, il est inimaginable que l’on puisse me faire une telle réponse dans le Pas-de-Calais !

Non, il ne s’agit pas de mette en place une année au cours de laquelle, nous allons décider de faire entrer des garçons au séminaire et des filles dans les noviciats. Nous ne manipulerons pas l’Esprit Saint. Nous ne ferons pas violence à des libertés.

Nous prierons, nous remettrons en cause nos analyses, nos préjugés, nos discours. La prière ne nous affranchit pas de nos responsabilités. Elle nous ajuste à Dieu et nous situe en Lui.Nous ne pouvons pas ignorer le contexte culturel dans lequel vivent des jeunes et des moins jeunes aujourd’hui. Faut-il en conclure qu’il est à tout jamais devenu impossible à un jeune de se donner entièrement, à l’exemple et à la suite du Christ, pour la louange du Père et le service des frères ?

Le diktat de l’opinion et de l’attitude socialement correcte a-t-il rendu caduque la radicalité évangélique et la fécondité de l’offrande de soi-même à cause de Jésus ? Je ne voudrais pas que l’on botte trop vite en touche en murmurant ou en criant qu’il faudrait explorer d’autres voies pour appeler au ministère ordonné.

La fréquentation de groupes de jeunes me révèle que, malgré les vents contraires, la question se pose beaucoup plus souvent qu’on ne le pense. Et si le Peuple de Dieu décidait de la reprendre très au sérieux ?

Au cours de l’été, deux jeunes m’ont écrit pour me dire qu’ils étaient prêts à entamer la formation au ministère de prêtre. Ils ne sont pas encore ordonnés. Au moment où je rédige ces lignes, je ne sais même pas s’ils seront effectivement séminaristes à la rentrée … mais depuis que je suis évêque d’Arras, je n’avais jamais reçu deux lettres semblables dans le même été. Il y avait même plusieurs années que je n’en avais reçue aucune ! J’aime quand le Seigneur me fait un clin d’œil !

 

Mgr Jean-Paul JAEGER