C'est la loi !

Lettre N°04 - Eglise d'Arras

droit droit  « Au nom de la loi ! » : Dès son plus jeune âge, chaque petit Français connaissait naguère cette formule qui fondait en droit les interventions des forces de l’ordre.

 

Pour se construire, se développer, une société a besoin de lois. Sans elles, la violence et les passions régentent les rapports humains. Dans un système démocratique, il revient aux représentants élus du peuple de voter les lois. Le pouvoir exécutif les met en œuvre. Le pouvoir judiciaire veille à leur application et sanctionne les infractions.

 

Ce système fonctionne harmonieusement lorsque les personnes sont respectées, protégées par la loi et se trouvent en situation d’égalité devant elle. Cette double exigence conduit légitimement à des différences de traitement. L’égalité n’est pas rompue, par exemple, quand un membre malade d’une société bénéficie de la sollicitude et de moyens que ne peuvent pas revendiquer les membres en bonne santé. La loi témoigne ainsi de l’emprise progressive de la raison sur la force et la domination.

 

Cette vision merveilleuse ne résiste pas toujours à la réalité. Nous savons par expérience - c’est, paraît-il, le sport préféré des Français - qu’il est toujours agréable et passionnant de détourner la loi où de l’utiliser contre elle-même. L’appareil législatif s’est complexifié au fil du temps. Il manifeste bien des lacunes et des incohérences. Les fans de la plaidoirie excellent dans l’art de tirer profit des failles des dispositions législatives.

 

Il est encore plus facile de découvrir que les lobbies, les mouvements de rue et d’opinion font et défont les lois. Les résultats d’une consultation électorale passent quelquefois avant l’opportunité et la justesse de la loi !

 

Même s’ils n’honorent pas la démocratie, ces travers ne révèlent encore que partiellement les limites de nos lois. Elles ne disent pas tout des relations humaines. Elles sont incapables de réguler des mécanismes qui, par leur nature même, échappent à son emprise. La négation des cultures, de l’éthique, des sentiments, des histoires et des valeurs risquent de fragiliser le fonctionnement des lois. Poussé à l’excès, il lui arrive de conduire à la tyrannie, ce qui est un comble quand on sait que l’observation citoyenne des lois entend servir la liberté !

 

Pour éviter les débats qui fâchent, notre société s’engage de plus en plus dans une impasse. Elle légifère à l’envi. Dans tel domaine, elle ouvre toutes les vannes de la liberté d’expression ou d’action. Dans un autre, elle les ferme, cela bien sûr, au nom du respect des personnes. Qui va dire qu’il est légitime d’être blessé par une prise de position sur des orientations sexuelles et inacceptable d’être meurtri par la dérision avec laquelle est traitée la foi de croyants ? La loi, bien sûr !

 

La sagesse des siècles nous a appris que la loi peut aider à aimer. Elle se montre également l’auxiliaire de toutes les haines. La loi rapproche ceux qui veulent construire ensemble, elle tient aussi à distance respectueuse ceux qui veulent se méconnaître et s’anéantir mutuellement.

 

Non, la loi ne dit pas tout et ne fait pas tout. Elle est indispensable. Il ne suffit pas, cependant, de se mettre sous sa protection pour garantir l’humanité. Le dialogue, la reconnaissance, l’estime, la compréhension, la fraternité et tant d’autres vertus demeureront nécessaires pour aider les hommes de tous les lieux et de tous les temps à vivre ensemble.

 

Il est plus facile de perdre ou de gagner un procès que de faire resplendir en soi et dans les autres le visage de l’homme. Il est sans doute plus exigeant de faire patiemment route ensemble que de s’en remettre à l’arbitrage du juge. Notre société oublierait-elle que trop de lois tuent la loi ?

 

Chrétiens, nous ne méditerons et proposerons jamais trop l’exemple du Christ. Il a choisi de porter le poids de l’injustice, mais Il n’a pas revendiqué pour Lui le bénéfice de la loi, fût-elle divine. Il s’est abaissé jusqu’à la mort et la mort de la Croix. Par ce renoncement, passe le chemin de la Vie. Nous n’en sommes pas encore revenus !

 

+ Jean-Paul JAEGER.