Surtout pas çà ! Tombes profanées

Mémorial 14-18 de Lorette

Epitaphe, au pied de la tour-lanterne Lorette  
Epitaphe, au pied de la tour-lanterne
Epitaphe, au pied de la tour-lanterne
 Dans la nuit du samedi 5 au dimanche 6 avril, 148 tombes du cimetière national Notre Dame de Lorette ont été profanées. Elles étaient toutes situées dans le carré d’inhumation des militaires de confession musulmane.
 
A l’heure où je rédige ces lignes, l’identité des auteurs de ces actes et leurs motivations sont encore inconnues. Nous voulons croire que de tels agissements relèvent plus de l’inconscience et de l’irresponsabilité que d’une volonté délibérée d’injurier et de blesser, mais nous n’en sommes pas sûrs !
 
L’indignation et la réprobation unanimes indiquent fort heureusement que la population de notre pays, celle de notre région en particulier, ne se reconnaît pas dans des débordements qui portent gravement atteinte à la dignité humaine.
 
Nous ne pouvons que souffrir avec celles et ceux qui sont blessés dans leur humanité et dans leurs croyances, tout simplement parce que nous appartenons avec eux à la même famille humaine.
 
Ces profanations sont d’autant plus odieuses qu’elles touchent, de façon ciblée, des combattants d’une communauté spirituelle bien précise. Au moment où des hommes ont versé leur sang, il ne leur a pas été demandé de décliner leur langue, leur race, leur origine, leur religion. Ils ont été tués au coude à coude avec tant d’autres. Ils ont le droit sur le même lieu au même hommage, au même repos, au même respect.
 
Au cours de la guerre de 1914-18, notre terre d’Artois a été abreuvée de tant de sangs mêlés que plus que d’autres encore, nous avons le devoir de crier : « Surtout pas çà ! »
 
Cette atteinte nouvelle réveille en nous, et de manière inconditionnelle, la conscience de la valeur inaliénable de l’homme et de la femme, créés par Dieu, sauvés en Jésus-Christ, habités par l’Esprit Saint.
 
Nous savons à quel point et pour quelles raisons, notre foi et l’enseignement de l’Eglise proclament que l’être humain doit être respecté de la conception à la mort naturelle. La formule que certains jugent simpliste se trouve, de fait, amplifiée et dépassée. La personne humaine, toute personne humaine, a une telle valeur qu’elle reste digne et respectable au-delà de la mort elle-même !
 
Nous avons vérifié ces jours derniers qu’il est encore possible de nous indigner ensemble et de manière quasi unanime. C’est dire qu’il existe en nous une capacité de nous retrouver, de nous rassembler, de nous unir, voire de prier, malgré les différences et les barrières que l’histoire et les cultures ont pu élever au fil des siècles.
 
De façon légitime, des responsables divers, le Président de la République lui-même, ont dit et rediront aux communautés musulmanes la solidarité et la compassion de l’ensemble de nos concitoyens et des composantes de notre société. L’Eglise locale d’Arras, Boulogne et Saint-Omer s’associe, de grand cœur, à ces démarches.
 
Plaise à Dieu et aux hommes de bonne volonté que cette misérable profanation ait, au moins, une conséquence bénéfique : ne pas laisser sombrer dans l’oubli et l’indifférence le combat des artisans de paix, de justice, de reconnaissance, ne pas étouffer la plainte des opprimés, des sacrifiés, des oubliés, ne pas laisser croire que certains auraient plus que d’autres, et de façon quasi naturelle, le droit de vivre, d’aimer, de travailler, de se loger, de se déplacer.
 
L’émotion est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Elle nous rassemble, aujourd’hui, autour de tombes. Puisse-t-elle nous faire découvrir et comprendre qu’en chaque être se trouve un trésor à reconnaître et partager !
 

+ Jean-Paul JAEGER

 

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 journée interreligieuse à Lens-Liévin