le Vendredi 20 fév 2009


Le carême nous conduit au désert et sur la montagne. C’est là que le peuple élu fait l’expérience de la sollicitude de Dieu, mais aussi de la fragilité de sa propre réponse. Plus tard, avant d’entamer sa mission, Jésus de Nazareth passe par un long temps de retraite au désert. Il y est, aussi, mis à l’épreuve dans la fidélité à son Père. À plusieurs reprises, il nous est dit dans l’Évangile que le Christ se met à l’écart et qu’Il prie longuement.

 
                        L’expérience du désert est constitutive de notre foi et de notre itinéraire de disciples du Fils de Dieu. Elle est nécessaire pour nous préparer à accueillir les bienfaits dont Dieu nous comble en son Fils. Nous avons besoin d’une réelle distance à l’égard de nous-mêmes, des préoccupations qui nous obsèdent, du prêt à penser des opinions.
 
                        Le carême nous remet doucement sous le regard de Dieu, sous la lumière de son Amour. Nous pouvons, alors, nous redécouvrir tels que nous sommes et tels que nous sommes appelés à être. Il devient possible d’évaluer le poids et le prix des personnes, des réalités et de l’histoire. Les apparences s’effacent pour laisser émerger l’authenticité d’un cœur invité à la conversion. Il s’ouvre à Dieu et, dans le même mouvement, à nos frères.
 
                        Les circonstances économiques et sociales mondiales, les turbulences qui viennent d’agiter l’Église rendent encore plus urgente cette démarche. Nous nous apercevons de la fragilité congénitale de choix, de convictions et de réalisations sur lesquels nous pensions construire solidement le présent et l’avenir. La course folle à l’avoir et au pouvoir se heurte soudain à un mur contre lequel elle se heurte. Se repose soudain les questions qui s’imposent à l’heure des grandes crises : Pour quoi, pour qui luttons-nous ? Pour quoi, pour qui construisons-nous ? Pour quoi, pour qui vivons-nous ? Que reste-t-il quand s’effondrent des systèmes qui semblaient si bien fonctionner ?
 
                        Le carême propose trois repères pour affronter ces interrogations et tenter d’y répondre sans sombrer dans la désespérance et l’angoisse.
 
                        La prière nous ouvre à la présence de Dieu. Elle nous situe dans la juste relation au Père qui redonne à ses enfants, en son Fils mort et ressuscité, leur dignité et leur grandeur, surtout quand ils découvrent qu’elles n’étaient pas là où ils les avaient cherchées et investies. La prière ne met pas un baume anesthésiant sur les cœurs abattus et les vies menacées et brisées. Elle redit la véritable identité sur laquelle il est possible de fonder l’avenir.
 
                        Le jeûne purifie et décante. Il permet d’effectuer le tri entre l’essentiel et l’accessoire. Il introduit au dépouillement et manifeste les valeurs qui ne s’érodent pas, ne se dévaluent pas. Il fait découvrir qu’il est possible, même provisoirement, de vivre avec moins de biens consommables, d’argent, de plaisir, de puissance, de bruit, d’images et d’être plus attentifs à celles et à ceux que ces moyens nous cachent alors qu’ils sont sensés nous rapprocher d’eux.
 
                        Le partage inscrit dans les faits notre reconnaissance du frère et de la sœur. Nous trouvons toujours d’excellentes raisons de les renvoyer aux marges de notre attention, surtout s’ils viennent d’ailleurs et ont été façonnés par une autre culture et d’autres traditions. Nous ne devons pas attendre que les événements nous obligent à sortir de nos cercles de production et de gain pour envisager un développement plus harmonieux et concerté des personnes et des peuples. Le repliement sur soi et l’ignorance de l’autre dans les relations entre les individus, les groupes et les peuples conduisent à la mort. Nous ne pourrons plus être des concurrents, notre foi nous conduit à agir en frères. La campagne annuelle du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement nous le redira, une fois encore.
 
                        Pour enrichir ce carême, il est toujours possible et souhaitable d’ouvrir de nouvelles « maison d’Évangile. » La preuve est faite. Il est possible de proposer avec succès à des hommes et à des femmes de toutes conditions d’accueillir la Parole de Dieu. Elle touche les personnes, bien au-delà du cercle des fidèles qui se retrouvent habituellement. Continuons à offrir ce trésor remis en nos mains et à nos vies. Il ne sera jamais trop tard !
 
                        Je souhaite à beaucoup d’adultes la joie du sacrement de la pénitence et de la réconciliation que connaissent les jeunes lorsque nous prenons le temps de préparer et de célébrer avec eux ce sacrement. Ils apprécient la possibilité d’un contact prolongé avec un prêtre qui les écoute, accueille leur aveu, dialogue avec eux et leur donne le pardon sacramentel. Je demande à tous les prêtres du diocèse de faire savoir les moments où ils se tiennent plus particulièrement à la disposition des fidèles pendant ce carême pour les accueillir personnellement, dans les meilleures conditions, pour vivre ce moment de réel bonheur.
 
                        Au cours des semaines écoulées, nous avons fait, souvent et à juste titre, référence au Concile Vatican II. Il ne suffit pas d’en parler, d’en extraire quelques intuitions et de l’utiliser comme une bannière de ralliement. Il serait injuste d’attendre d’autres qu’ils l’acceptent intégralement sans, nous-mêmes, mieux le connaître, le travailler et le mettre en œuvre. Tout n’a pas encore était fait en ces domaines !
 
                        Un de mes vieux maîtres aimait répéter : « Avoir beaucoup de travail, c’est le seul moyen d’en faire un peu ! » J’ai bien conscience de charger lourdement la besace pour ce carême 2009. Au désert, tout s’allègera. Que ces quelques pistes nous aident à nous jeter dans les bras du Père qui nous attend et à aller à la rencontre de frères qui tendent vers nous les mains !
 
                        Bon carême !
 
 
+ Jean-Paul JAEGER