Identité nationale : de quoi s’agit-il ?

Lettre publiée dans Eglise d'Arras n° 2-2010

Karen Akoka Coordination française Droit d'asile  
Karen Akoka
Karen Akoka
Depuis plusieurs mois déjà, l’opinion publique est agitée par des mots qui fâchent. Un homme politique fait resurgir le débat sur l’identité nationale. Le simple emploi de cette formule réveille les passions et les antagonismes. Il est vrai qu’elle a parfois été utilisée pour susciter la méfiance et la crainte à l’égard de personnes et de situations susceptibles, du moins c’est ce qui se dit, de porter atteinte à l’être profond de la France.

 

Fallait-il, à quelques semaines d’une consultation nationale, susciter sur ce sujet une réflexion de grande ampleur ? Le risque d’en détourner l’objet au bénéfice de manœuvres et de récupérations électorales est bien réel. Ces poisons de la démocratie viennent souvent pervertir les plus belles intentions. Chacun se chargera de donner une réponse à cette question. Le fait est là : La formule a été lancée !

 

Identité nationale : Faut-il avoir peur de ces termes ? Oui, s’ils sont employés pour justifier le refus et l’exclusion ou afficher une prétention à dominer d’une race, d’une langue et d’une culture. Nous ne pouvons pas nous cacher derrière l’identité nationale pour affirmer à quiconque qu’il n’est pas digne de nous et que jamais il ne pourra prendre place dans la communauté humaine que nous constituons. Notre histoire, notre civilisation, notre génie, n’auront jamais pour but ultime de dresser des barrières ou de bâtir une forteresse protectrice, même si les circonstances nous invitent, parfois, à défendre des valeurs communes.

 

Ces significations étant exclues, il me semble sain et bon de rechercher et de reconnaître une identité nationale et de rassembler autour d’elle. Aucune personne, aucune communauté ne peut vivre sans identité. Nous sommes trop souvent marqués par la souffrance de celles et ceux qui se demandent inlassablement qui ils sont, d’où ils viennent et où ils vont pour ne pas en être persuadés.

 

Nous sommes toujours blessés et nous avouons notre impuissance lorsque nous apprenons le suicide de jeunes ou d’adultes dont on nous dit qu’ils ont longtemps et vainement cherché leur propre identité.

 

Il est impossible d’accueillir l’autre quand chacun ne connaît pas, le mieux possible, ses origines, son parcours et ce qu’il partage avec ceux qui sont unis à lui par une même communauté de destin. Un peuple ne peut pas être orphelin d’histoire, de traditions et de projets.

 

L’identité nationale se reçoit, en grande partie. Nul n’en est le propriétaire et le juge. Son expression légale n’en dira toujours que peu de choses. Elle s’expérimente plus qu’elle ne se formalise. Le climat, les guerres, les révolutions, les ressources, la langue, les moyens, les productions intellectuelles et artistiques, le christianisme, la laïcité ont façonné la France et les Français. Ce subtil mélange que personne ne maîtrise a donné une personnalité tantôt recherchée pour son charme et sa générosité et tantôt détestée par son sentiment de permanente supériorité ! Nous sommes ce que nous sommes, personne ne nous refera.

 

Le communautarisme n’est pas inscrit dans nos gênes. La France intègre et assimile. Il vaut mieux que l’étranger qui frappe à la porte le sache. Il ne pourra probablement jamais rêver de s’implanter à côté d’autres et d’importer intégralement son identité d’origine sans la confronter à celle de son pays d’accueil.

 

En revanche, l’identité nationale ne peut pas demeurer une notion abstraite et figée. Elle vit et doit légitimement faire place à l’altérité et à la différence, se redéfinir et bénéficier de nouvelles richesses.

 

Elle est le fruit d’un long parcours commun. Elle se construit à la fois sur un héritage qui habite tant l’inconscient collectif que la raison. Par le fait même, il ne se remet pas en question. Sur ce tronc, l’identité nationale a toujours vu pousser de nouveaux rameaux. Il y a fort à parier que cette croissance ne s’interrompra pas et que, loin de nous inviter au repliement, elle sera une force pour nous aider à travailler à la promotion et à la dignité de l’humanité au dehors de nos frontières et sur toute la surface de la terre.

  

+ Jean-Paul Jaeger