Gloire et Pauvreté

Eglise d'Arras 21, 17 décembre 2010

Crèche Maison diocésaine Crèche Maison diocésaine   La France a quitté depuis longtemps le berceau culturel qu’a constitué pour elle le Christianisme. Cette émancipation est devenue une évidence dont les signes se multiplient.

 
Notre civilisation ne peut, cependant, pas se couper de toutes ses racines. Elle devra toujours au Christianisme une partie de son histoire, de ses rites, de ses valeurs. Elle a reçu de lui son calendrier.
 
            Au fil du temps, l’affranchissement, d’une part, et la référence, de l’autre, donnent à notre manière de vivre ensemble une étrange tournure. La grand-messe ne se célèbre plus dans les cathédrales, mais lors des meetings politiques. Le Crucifié n’est plus Jésus de Nazareth, mais l’équipe de football qui est battue à plates coutures par l’équipe adverse. Le célébrant du baptême n’est plus systématiquement Monsieur le curé. Il est concurrencé par Monsieur le Maire qui, dans sa mairie, préside le baptême républicain !
 
            Tout se passe comme si, de façon insensible, s’installait chez nous une sorte de christianisme civil qui garderait le vocabulaire, les traditions, la saveur du Christianisme en le vidant de sa substance.  Les acquis qui structurent et favorisent la vie en commun demeurent, mais ils se détachent totalement du Christ Lui-même, de sa Parole et de sa démarche de Salut.
 
            Depuis plusieurs semaines, les rues sont illuminées. La sonorisation déverse les cantiques et les chants que nous connaissons par cœur. Il s’agit, bien sûr, de rassembler les consommateurs là où ils vont sacrifier au rite contemporain : acheter. L’intention est louable. Il est normal de préparer la fête, de gâter les enfants, de penser aux déplacements à effectuer, aux repas à confectionner. Tant mieux si l’héritage chrétien invite à la rencontre, à la générosité, à la joie, à la paix, au pardon !
 
Il y a déjà un enfant dans la crèche. L’humanité est comblée. Sait-elle attendre, désirer, crier, ouvrir son cœur à Celui qui visite chaque être humain et l’humanité dans sa totalité ? Il est paradoxal de célébrer le Fils de Dieu venu dans la pauvreté d’une étable en dépensant toujours plus, en accourant à la lumière des étoiles qui n’indiquent plus une mangeoire, mais les centres de nos villes où chacun est convoqué pour faire ses emplettes.
 
  
Il est heureux de croire et de dire, ne serait-ce qu’une fois par an, qu’il y a plus et mieux en chaque être humain que ce que le quotidien en laisse paraître. Il est nécessaire de proclamer au sein même des épreuves, des souffrances et des difficultés qu’un avenir meilleur est possible et réalisable.
 
Disciples du Christ, nous affirmons tout cela avec Celui qui, dans l’humilité d’une étable, se fait l’un d’entre nous. Il vient ainsi rendre à tout être humain la splendeur et la dignité dont l’Amour de Dieu l’enveloppe et le comble.
 
Il n’est pas de célébration de Noël possible sans passage par la case pauvreté. A l’écart des guirlandes électriques, le Fils de Dieu venu en notre chair sera toujours reconnu et accueilli dans le malade, le handicapé, l’isolé, l’abandonné, le migrant, le sans-logis, l’affamé, le sans-emploi.
 
Soit ! D’une manière ou d’une autre, nous ferons la fête à Noël. Nous y inviterons celles et ceux qui en ont perdu le sens et le goût.  Chrétiens, osons dire à nos frères que lorsque les rideaux se  baisseront tard dans la soirée du 24 décembre, tout ne sera pas bouclé ! Dans le silence de la nuit, va être célébré l’événement qui porte en lui-même les promesses de la vie et du bonheur.
 
Beau et bon Noël !
 
 
 
+ Jean-Paul JAEGER