Heureux et disciples

Nouvel an Eglise d'Arras 1-2011

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L’échange de vœux à l’occasion du début d’une année nouvelle fait partie de nos traditions. Les plus anciens évoquent sans trop de nostalgie les déplacements obligés des plus jeunes vers les aînés, les formules rituelles qu’il fallait prononcer à bon escient et les gaufres de circonstance rapidement avalées avant de reprendre la route pour la visite suivante.


La magie d’internet a complexifié l’image et les montages des vœux, elle a grandement simplifié la démarche. La coutume est sauve ! Sa persistance nous rappelle que nous sommes des êtres sociaux. En dépit de nos luttes et de nos divisions, nous rêvons de bonheur universel. Nous éprouvons aussi la nécessité de vouloir et de désirer plus que nous ne pouvons réaliser. Il y a en tout homme plus grand que lui-même. Le cérémonial des vœux se concocte avec ces divers ingrédients.


Aux premiers jours de l’année 2010, les habitants d’Haïti ne pouvaient pas pressentir la catastrophe qui allait durement et durablement toucher une large partie de la population. Une année se construit sur la base d’événements imprévus sinon imprévisibles. Ils sont heureux ou malheureux, personnels ou collectifs. La force, le courage, la compassion, la solidarité renouvelés et entretenus nous permettront de faire face à ce que nous ne savons pas encore et que nous serons appelés à gérer pour nous-mêmes et ensemble.


Un simple passage dans le calendrier n’abolit pas toute l’histoire ! 2011 sera tributaire de ce qui a été vécu ou annoncé dans les années précédentes. Les soubresauts économiques, financiers, politiques, l’appauvrissement des uns, l’enrichissement des autres, le bouleversement de l’échiquier international feront encore sentir leurs effets. Nous ne serons jamais trop vigilants pour qu’ils ne frappent pas les plus faibles, les plus jeunes, les plus démunis. Nous ne chercherons pas d’excuses à nos propres égoïsmes en mettant en cause les voisins, les autres pays, les étrangers, les immigrés, les chômeurs. Nous ne penserons pas, un peu vite, qu’il est urgent de demander des efforts supplémentaires aux autres au mépris de la justice et du bien de tous.


La révision des lois de bioéthique risque de tenter les apprentis sorciers ou les tenants d’un principe de pouvoir absolu : puisque la science le permet, je fais tout ce qui est possible pour satisfaire mes attentes et mes besoins comme je veux et quand je veux. Qu’importe si l’autre, un enfant peut-être, est de plus en plus, voire totalement, au service de mon projet ! Nous ne ferons pas l’économie d’une nouvelle réflexion sur la vie, la mort et le sens.


Sur une planète ou tout va vite, nous retrouverons le goût de nous arrêter, de nous rencontrer, de nous connaître et de dialoguer. Ne peut-on pas proposer de mettre ou remettre à leur juste place les instruments de communication ? Lorsqu’ils servent des intérêts commerciaux et vendent de l’artificiel et du sensationnel parce qu’il faut faire du chiffre ou de l’audimat, la machine se grippe. Ces appareils tyrannisent l’usager qui ne lève plus le nez de son écran et préfère l’échange virtuel à l’humble proximité.


L’internet ne suffira pas à apaiser les conflits, bannir les prises d’otages, rapprocher les religions, instaurer la paix, poursuivre le développement, offrir un avenir à tout homme. Un bon instrument peut aider et servir. Il peut faire pire que mieux quand il transforme l’utilisateur en esclave et l’arrache à la relation qui se forme dans le coude-à-coude de tous les instants de la vie.

 

Le calendrier veut que la période des vœux suive immédiatement la célébration de la venue du Fils de Dieu dans le monde. Dieu n’a pas seulement parlé et agit de haut et de loin. Il a épousé la condition humaine, se mêlant à l’histoire des hommes, ses splendeurs et ses déchéances. De l’intérieur, il est venu convertir, sauver, libérer, renouveler. Par amour, Il est mort et ressuscité en Jésus, son Fils bien-aimé.

 

Sur la route de demain, nous ne sommes pas seuls, isolés ou abandonnés. Dieu est là. Sa Parole, le mystère pascal, la charité divine peuvent toujours guider nos pas et donner une direction à notre périple humain. Dans nos communautés chrétiennes, nous sommes témoins et instruments de cette présence et de cette œuvre de Vie offertes à tous les hommes.


Les Maisons d’Evangile bruissent de la lecture du Livre des Actes des Apôtres. Le texte, moins familier que les Evangiles, nous plonge dans l’épopée des premières communautés chrétiennes. Nous voyons l’Esprit Saint à l’œuvre ainsi que le labeur d’hommes et de femmes envoyés par le Seigneur pour porter sa Parole et donner les signes de son efficacité. Il n’est pas trop tard pour nous laisser saisir par cette découverte qui stimule notre ardeur missionnaire.


L’annonce de l’Evangile ne s’est jamais effectuée dans la facilité, comme si elle allait de soi. Elle a toujours demandé une grande proximité avec le Christ, sa Parole, l’attachement aux frères, l’amour de tous. Elle exige une grande docilité à l’Esprit de Dieu. Elle fait appel au courage et à la conviction plus forts que l’adversité, le rejet, la persécution, la mort elle-même.
 

Les Actes des Apôtres nous situent dans l’aventure de l’annonce de l’Evangile et sa relecture. Ils nous donnent un élan nouveau pour répondre à l’invitation qui a été répercutée le 10 octobre dernier et qui le sera dans notre mission quotidienne auprès des enfants, des jeunes, des adultes et des personnes âgées : « Faites des disciples ! » N’est-ce pas dire finalement : « Faites des heureux ! »
  

Alors, bonne et heureuse année 2011 !

 
+ Jean-Paul JAEGER

 

lettre N° 21-2010: gloire et pauvreté