Tu choisiras la vie

Eglise d'Arras N°1

diaconia 2013 diaconia 2013   Il y a bien longtemps, sans doute, qu’un changement d’année n’a pas été fêté dans notre pays sur fond d’interrogations radicales et profondes aussi nombreuses.

            Aux premières heures de 2012, tout se passe comme si les repères traditionnels de notre vie commune étaient irrémédiablement affaiblis et suscitaient la défiance.
            Autour de nous, des peuples ont revendiqué la liberté et le droit de décider de leur avenir, mais voilà qu’à l’euphorie succède le doute : l’unité réalisée pour abattre les dictateurs va-t-elle résister aux nouvelles ambitions qui se font jour ? Rien n’est moins sûr !
            Plus près de nous, les forteresses économiques et financières se lézardent et vacillent. Le spectre de la récession laisse présager des moments difficiles pour l’emploi, les entreprises, les retraités. Chacun se demande en dévisageant le voisin : qui paiera le prix des efforts nécessaires ?
            Les valeurs morales ne se portent pas mieux que les ressources matérielles. Des jeunes s’interrogent : une famille, c’est quoi ? Où se trouve le chemin de la fidélité, de la vérité, de la justice ?
            A quoi bon se limiter, se restreindre, se modérer quand tout est possible, tout est permis ? Pourquoi faudrait-il privilégier l’autre, accueillir et partager alors que le désir de chacun et ses propres attentes sont sans limite.
            La France entre dans une longue période électorale. Cette dernière engendre déjà des incertitudes, ouvre la voie aux propos démagogiques, aux attaques sournoises, au matraquage des groupes de pression.
            Des Chrétiens se demandent si leur foi et ses modes d’expression ont encore une place dans notre culture. Il leur faut résister aux assauts d’une opinion qui ne supporte pas d’entendre d’autres voix que le sienne.
            Le pire n’est jamais sûr. Des zones d’ombre bien réelles ne doivent pas masquer et faire oublier les élans et les gestes de solidarité souvent discrets. Comment ne pas saluer le travail des chercheurs qui améliorent la qualité de la vie, la prolonge, luttent contre les fléaux naturels ?
            Trop de conflits brouillent encore les messages de paix. Il est, cependant, impossible d’ignorer le combat de pionniers qui œuvrent en faveur du rapprochement entre les personnes, les groupes, les peuples. Des ennemis que tout déclarait irréconciliables se tendent la main. Ici et là, des associations mobilisent des foules de bénévoles pour le service du bien commun.
            Devant ces situations contrastées reviennent en mémoire les paroles du dernier discours de Moïse dans le livre du Deutéronome : « Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur … Tu choisiras la vie pour que tu vives toi et ta descendance. »[1] Dans ce passage, la mort est assurée si le peuple auquel s’adresse Moïse se détourne de Dieu et retourne à l’idolâtrie. Le bonheur naît de la relation aimante avec Dieu et de l’attachement filial à Lui.
            Cette sagesse vaut au-delà du cercle des croyants. Il ne faut pas chercher bien loin pour dresser l’inventaire des dieux auxquels chacun est prêt à sacrifier l’autre, à se sacrifier lui-même quand il ne s’érige pas en dieu.
            Le culte du corps, l’appât du gain, la soif du pouvoir, l’étourdissement dans le travail, le tropisme du rendement, l’exaltation du moi, la course au toujours plus, l’égoïsme individuel ou collectif, le repli à l’intérieur des frontières, le caractère absolu de la sécurité ne sont encore que quelques-uns de ces dieux qui ne froissent aucune laïcité ! Il y a fort à parier qu’ils seront totalement impuissants à résoudre les problèmes majeurs que notre pays doit affronter en 2012.
            Dans le choix de la vie, se retrouvent les données essentielles de la foi chrétienne, même s’il est tout à fait possible de les partager avec celles et ceux qui ne professent pas cette foi. Le vivant sait qu’il n’est pas tout-puissant. Il se reçoit d’un Amour qui le dépasse. Cet amour toujours trop grand pour lui ne constitue pas un bien propre, mais un don qui est respecté et reconnu en chaque être humain. Il est impossible d’aimer en se séparant de la source de l’amour.
            Un tel vivant est immédiatement relié à tous les vivants, de toutes langues, de toutes races, de tous pays, de toutes cultures. Loin d’éliminer et d’exclure, la vie rassemble et enrichit. A l’heure des choix décisifs – dans bien des domaines, ils ne manqueront pas en 2012 – il nous faudra apprendre à ne pas défendre des intérêts, mais à promouvoir la vie de tous, la vie pour tous. Cet engagement nécessitera d’inévitables conversions, une purification du regard et du cœur.     
             Le déploiement de la démarche Diaconia 2013 suggère de précieux moyens pour accepter et conduire cette transformation. Ils seront bien utiles.
            Nos sociétés n’ont probablement plus grand-chose à voir avec celle qui s’ébauchait au moment où la mort allait empêcher Moïse d’entrer dans la terre promise. L’invitation qu’il adresse alors propose une option décisive qui a traversé les siècles et qui les marqueront jusqu’au retour du Seigneur : « Tu choisiras la vie ! »
 
            Bonne, courageuse et audacieuse année 2012 !
 
 
                                                                                              + Jean-Paul JAEGER


[1] Deutéronome 30, 15 et 19.