Lourdes 2012: Qu’est-il réellement dit ?

Eglise d'Arras n° 19-2012

 

Le fonctionnement médiatique de notre société manifeste des richesses et des limites. La surinformation et ses méthodes conduisent parfois à s’interroger : « Que dit finalement celui qui adresse un message ? » Les interventions du Cardinal VINGT-TROIS au sujet du projet de loi qui traite du mariage pour tous n’échappent pas à ce traitement. Il me semble nécessaire d’en reprendre quelques passages qui disent clairement ce que les évêques de France confient et suggèrent aux fidèles et à leurs pasteurs ainsi qu’à nos concitoyens qui voudront bien en prendre connaissance.
+ Jean-Paul JAEGER


assemblee eveque assemblee eveque   Discours d’ouverture de l’assemblée plénière de la Conférence des Evêques de France. Lourdes, le 3 novembre 2012

« Contrairement à ce que l'on nous présente, le projet législatif concernant le mariage n'est pas simplement une ouverture généreuse du mariage à de nouvelles catégories de concitoyens, c'est une transformation du mariage qui toucherait tout le monde. Ce ne serait pas le « mariage pour tous » (étrange formule qu'il ne faut sans doute pas prendre au pied de la lettre !). Ce serait le mariage de quelques-uns imposé à tous. Les conséquences qui en découlent pour l'état civil en sont suffisamment éloquentes : a-t-on demandé aux citoyens s'ils étaient d'accord pour ne plus être le père ou la mère de leur enfant et ne devenir qu'un parent indifférencié : parent A ou parent B ? La question fondamentale est celle du respect de la réalité sexuée de l'existence humaine et de sa gestion par la société. Alors que l'on prescrit la parité stricte dans de nombreux domaines de la vie sociale, imposer, dans le mariage et la famille où la parité est nécessaire et constitutive, une vision de l'être humain sans reconnaître la différence sexuelle serait une supercherie qui ébranlerait un des fondements de notre société et instaurerait une discrimination entre les enfants.

Que pouvons-nous faire ? Face à ces mesures qui menacent notre société, que pouvons-nous faire ? Que devons-nous faire ? Nous devons d'abord inviter à prier puisqu'il s'agit de provoquer et soutenir la liberté de conscience de chacun. Comme pasteurs de notre Église, il nous incombe d'éclairer les consciences, de dissiper les confusions, de formuler le plus clairement possible les enjeux. Comme évêques, nous nous efforçons d'être des interlocuteurs pour les responsables politiques et les parlementaires. Nous n'hésitons pas à faire appel à leur liberté de conscience pour des projets et des votes qui engagent plus qu'une simple alternance politique. Nous en appelons à leur sens du bien commun qui ne se réduit pas à la somme des intérêts particuliers.
 

Nous continuons d'appeler les chrétiens, et tous ceux qui partagent notre analyse et nos questions, à saisir leurs élus en leur écrivant des lettres personnelles, en les rencontrant et en leur exprimant leurs convictions. Comme citoyens, ils peuvent, et peut-être doivent, utiliser les moyens d'expression qui sont ceux d'une société démocratique, d'une « démocratie participative », pour faire connaître et entendre leur point de vue. Les sites de la conférence épiscopale et ceux de nos diocèses présentent toutes sortes d'arguments qui sont finalement assez connus. Une chose doit être claire : nous ne sommes pas dans une défense de je ne sais quels privilèges confessionnels. Nous parlons pour ce que nous estimons le bien de tous. C'est pourquoi nous ne mettons pas en avant la question du sacrement de mariage qui est une vocation particulière, mais la fonction sociale du mariage qui ne dépend d'aucune religion.

Notre société est très sensible et vigilante sur le respect dû aux enfants. Elle attend de ses responsables qu'ils prennent la défense des plus faibles et qu'elle les protège. C'est pourquoi, dans cette période il est important de rappeler un certain nombre de droits fondamentaux, qui sont le fruit de la sagesse cumulée de notre civilisation et qui ont marqué sa sortie progressive de la barbarie. Chacun des droits et des impératifs éthiques qui en découle et que nous énonçons ici s'impose à la conscience morale des hommes, quelle que soit leur croyance religieuse ou leur incroyance. Aucune règle, et a fortiori aucune loi, ne pourra jamais nous décharger de notre responsabilité personnelle et des enjeux de notre liberté. »

Discours de clôture de l’assemblée plénière de la Conférence des Evêques de France. Lourdes, le 8 novembre 2012.

« La position très ferme que nous avons prise au sujet de la transformation légale du mariage a suscité bien des remous. Les réactions, plus diversifiées qu'on ne l'imaginait, ont montré un trouble réel de nos concitoyens qui expriment de véritables interrogations sur la pertinence et l'urgence du projet. Les injures publiques et les arguments ad hominem laissent paraître chez certains la difficulté à accepter un véritable débat. Bien sûr, l'accusation d'homophobie est la plus habituelle. Mais dénoncer la supercherie que serait un mariage entre personnes du même sexe n'empêche pas, au contraire, de comprendre le besoin de reconnaissance de personnes homosexuelles, besoin que ce supposé mariage ne satisferait d'ailleurs pas. Nous sommes convaincus que les personnes homosexuelles, comme tout un chacun, sont appelées à rencontrer et suivre le Christ. Il y a pour elles aussi un chemin vers la sainteté, à parcourir pas à pas, et l'Église est toujours disposée à les accompagner sur ce chemin. Une fois encore, nous voulons rappeler les grands absents de cette discussion : les enfants.

Nous nous réjouissons que, dans le cadre de la légalité et dans le respect des personnes, de nombreuses initiatives soient prises par nos concitoyens, croyants ou non, pour s'opposer au projet du gouvernement dans son état actuel. Beaucoup de catholiques s'engagent dans ce sens avec des personnes d'autres courants de pensée ou d'autres religions. Par-delà les clivages politiques, légitimes dans une démocratie, il s'agit bien d'un engagement pour la promotion d'un bien commun pour notre société.

Que les catholiques de notre pays sachent que leurs évêques les encouragent à parler, à écrire, à agir, à se manifester... Ils ont le droit de témoigner de ce qui, dans la lumière de notre foi et selon la logique de la raison et du bon sens, leur semble essentiel pour le présent et pour l'avenir.

Nous regrettons que le choix du gouvernement polarise tellement les attentions sur un sujet qui finalement reste second, si l'on tient compte des préoccupations prioritaires qui assaillent beaucoup de nos concitoyens en raison des conséquences de la crise économique et financière : fermeture d'entreprises, hausse du chômage, précarité croissante des familles les plus fragiles, etc. Nos associations, engagées dans la solidarité sociale, relèvent toutes l'aggravation de la situation, notamment des plus jeunes. Le récent rapport du Secours Catholique en est un témoignage supplémentaire. Dans cette période difficile, le soutien de la cohésion familiale est plus que jamais nécessaire. Nous encourageons tous les catholiques à maintenir leur mobilisation dans la lutte contre la misère économique et sociale et à poursuivre leurs magnifiques efforts de solidarité. »