L'Evangile, tout simplement

Église d'Arras n°16

Accueil par Mgr Jaeger Accueil par Mgr Jaeger              Dans des circonstances atroces, un de nos concitoyens a été récemment mis a mort par un groupe terroriste. La médiatisation de l’exécution ajoute à l’horreur de ce drame. Cette tragique mise en scène n’est malheureusement pas la première du genre.

 

            Ce douloureux événement meurtrit une famille et affecte notre conscience commune. Il porte atteinte à l’humanité et mutile la raison. Cette dernière est normalement chargée de donner aux habitants de la planète les fondements des relations entre eux, entre les langues, les cultures, les pays et les états. Comment ne pas être consternés et révoltés quand la barbarie invoque la religion, quelle qu’elle soit,  pour se justifier,  au risque de jeter l’opprobre sur tous les fidèles de cette religion ?

 

            De façon bien compréhensible, les événements qui ont endeuillé plusieurs nations, et en ont choqué un grand nombre d’autres, appellent une réaction appropriée pour mettre fin à de telles pratiques. Il est indispensable de défendre les personnes, de promouvoir la justice et le droit. Là est l’urgence !

 

            Par ailleurs, nous ne pouvons pas échapper à un lent et patient travail de la raison. C’est l’une des plus belles tâches humaines qui nous est confiée. Elle est délicate à mener. Elle peut seule éviter à l’humanité de sombrer dans l’état sauvage.

 

            Nos sociétés ont, un peu vite, cru que les progrès de la science, de la technique, l’efficacité de la recherche et des productions conduiraient l’être humain vers un mythique âge d’or. Il apporterait le bonheur tant attendu et recherché. L’expérience nous instruit. La connaissance constitue un puissant levier de culture et de croissance. Elle n’a jamais éradiqué, de façon stable et définitive,  la volonté de puissance, d’hégémonie et de domination. Il lui est même arrivé de leur fournir des armes !

 

            A chaque fois que, dans l’histoire, des drames majeurs ont semé la peur et l’angoisse, les responsables politiques et les stratèges ont, toujours trop tard,  tenté de renouer les fils d’un dialogue rompu dans  les relations entre les personnes et les peuples. Il était alors nécessaire de redonner la parole à la raison et de mettre en place des institutions qui eurent pour vocation de réguler les appétits et de promouvoir le service du bien du plus grand nombre.

            Ces louables efforts se sont bien souvent heurtés à la volonté récurrente de satisfaire des désirs de domination, d’hégémonie, de profit. La lutte pour le pouvoir a, de nouveau, occupé le terrain, la violence a retrouvé sa force.

 

            Ce scénario ne constitue pas une fatalité. De belles réalisations affirment qu’il est possible - mais à quel prix ? – de sortir des frontières, de rassembler autour d’objectifs communs, de vivre une authentique solidarité. Même si sa mise en place demeure lente et chaotique, l’Europe figure au nombre de ces heureuses tentatives.

 

            Dans la période de l’histoire que nous traversons en même temps que nous l’écrivons, l’Eglise garde pour mission la vigilance évangélique. Au risque de l’incompréhension, il lui revient de rappeler à l’être humain l’Amour créateur qui le façonne, l’Amour fou qui  le relève, l’Amour dont il est le temple. Cet Amour est pour tous et il saisit plus particulièrement les hommes et les femmes qui, selon les critères d’efficacité et de rentabilité, demeurent des oubliés des systèmes de gestion de la planète. Cet Amour est plus large que tous les calculs. Il ne se vérifie que dans le don total et l’ouverture à une vie que l’être humain ne se donne pas à lui-même, mais qu’il accueille comme un don et partage avec joie.

 

            Au risque de la dérision, l’Eglise ne peut et ne doit pas renoncer à promouvoir le respect infini de tout être humain, de sa conception jusqu’à la mort naturelle. Cette formule écarte toute prise de pouvoir sur le processus de la vie et de la mort. Elle fonde l’intervention dans le débat toujours actuel sur l’intervention humaine en ces domaines. Sa signification profonde nous entraine au cœur même de l’humanité, là où le mystère de l’Amour de Dieu confère à l’être humain une valeur inestimable dans tous les lieux, dans tous les temps et dans toutes les circonstances de son histoire. Nos communautés ne se contentent pas de le dire aux heures dramatiques. Elles s’efforcent de vivre humblement et simplement cette merveilleuse identité, d’en témoigner là où la famille humaine cherche et espère. Nous ne sommes pas loin des réflexions et de la prière d’un synode provincial qui s’apprête à vivre et célébrer sa troisième session.

 

 + Jean-Paul JAEGER