Vienne la Miséricorde !

Lettre Eglise d'Arras 20-2015

Vienne la Miséricorde !

 

Au moment où s’ouvre le temps de l’Avent, notre pays est encore plongé dans l’épreuve que lui fait traverser la tuerie du 13 novembre 2015 à Paris. Des blessures resteront longtemps ouvertes dans le cœur et l’affection de familles, d’amis, de collègues, de voisins des victimes décédées. Que dire des stigmates qui marqueront durablement, voire définitivement la chair et l’esprit de nombreux blessés, rescapés ou témoins ? Des mesures seront prises pour accroître la sécurité des personnes. Il n’est pas sûr qu’elles réussissent à vaincre les peurs, les doutes, les angoisses et les méfiances. Les moyens et la technique ne produiront leurs effets que s’ils sont portés par un surcroît d’humanité, seule force capable de résister à la haine ravageuse d’individus ou de groupes qui dénient à leurs semblables le simple droit d’être des êtres humains.

 

La capitale meurtrie de la France accueille un gigantesque sommet de responsables venus du monde entier pour se pencher sur la santé de notre planète. Le manque de sagesse, de réflexion et de volonté ont trop longtemps pris le relais de l’ignorance. Non, l’homme n’est pas le maître absolu de son environnement et de sa propre appartenance à la nature. La domination  a supplanté  l’harmonie. Elle a suscité une forme de rébellion. L’heure est venue du respect à l’égard de la nature sous peine de déplorer la possibilité même de la vie sous certaines latitudes, sur certains littoraux, sur certaines terres. La modification des comportements, l’efficacité de mesures draconiennes ne sont envisageable que si les pays riches ne font pas porter aux plus pauvres les conséquences de leur insouciance et de leur légèreté environnementale. L’avenir de l’humanité dépend, au moins pour partie,  de ce sursaut et de cette équité.

 

Le corps électoral français est appelé à prendre en charge la mise en place de nouvelles régions. Pour l’ heure, il n’est plus temps de disserter sur des découpages, des regrets ou des rejets. Les choix qui seront faits, les orientations qui seront prises influeront sur l’économie, l’éducation, la santé, la culture. Ils modèleront largement la vie quotidienne des Français. C’est dire l’importance de la consultation. Là encore, le visage de l’homme est en cause. Il serait suicidaire utiliser le scrutin des 6 et 13 décembre prochains à des fins qui lui sont étrangères. Il ne s’agit pas d’envoyer à tout-va des messages, d’exprimer des états d’âmes, ou d’offrir une échappatoire à de légitimes frustrations. Ce scrutin invite à des options pour l’avenir. C’est encore l’humanité qui est en  jeu, ainsi que son rayonnement en nous et autour de nous. Le bien commun ne saurait se dissoudre  des calculs éphémères et partisans.

 

Dans ce contexte l’Eglise en France entrera, à l’invitation du pape François, dans l’année de la Miséricorde. Ce mot et la réalité qu’il recouvre ne conduisent pas à l’oubli, à la négation de la réalité de la faiblesse. La Miséricorde ne dissimule pas, ne nie pas les ténèbres, les infidélités, les rancunes. Elle ne jette pas le voile de l’indifférence sur les déchirures et le mépris. Elle n’efface pas d’un coup d’éponge les responsabilités personnelles et collectives dans la complicité avec le mal. La Miséricorde ouvre un avenir. Elle prend acte de la faiblesse, de la pauvreté et de la maladie du cœur. Elle n’exclut jamais la possibilité de la guérison. Son regard n’est pas naïf ou ingénu. Il reconnaît la justice et son exercice.  Il perce l’obscurité et affirme que la lumière peut encore jaillir et briller.

 

La Miséricorde n’est pas une idée, une solution, une volonté. Elle est une expression de Dieu, une démarche du Fils bien-aimé qui, de façon toujours incompréhensible, peut répondre à l’incompréhensibilité de l’horreur en donnant sa propre vie par amour. Ce don est annoncé par l’abaissement la crèche. Dieu est mis sur la paille. C’est là qu’Il va emprunter sur la terre un chemin d’amour. Il paraît que pour être elle-même, notre bonne vieille France doit faire disparaitre la crèche de son espace public. Elle serait plus forte en faisant Noël sans Noël. Dommage ! Elle risque de se priver d’une source possible de ce surcroît d’humanité qui serait particulièrement bienvenu en cette fin d’année 2015 ! Allons ! N’ayons pas peur d’attendre ardemment la Miséricorde qui vient jusqu’à nous !

 

 

 

                                                                       + Jean-Paul JAEGER