Au service des autres

Hommage rendu lors des funérailles d'Agnès Porquet, ancienne résidente lensoise

 

Resized_20191119_205858 Resized_20191119_205858  Ce mercredi 6 novembre, l’église Sainte Barbe de Lens était comble. De nombreux paroissiens étaient venus entourer de leur amitié la famille et les amis d’Agnès Porquet au cours de l’hommage qui lui était rendu.

 

Mais qui était Agnès ? Beaucoup de témoignages, préparés ou spontanés, ont tenté de la faire revivre devant nous. Une enfance pendant la guerre, une adolescence bouleversée par la mort de son frère Michel, emporté en 3 jours par la polio-myélite à l’âge de 12 ans, tout bascule pour Agnès « que de questions sur la vie, la mort ? Qu’est-ce que l’essentiel ? A cette époque je lis l’Evangile. Je ne retiens qu’une parole, la parole de Jésus au jeune homme riche qui voulait suivre Jésus : Va, vends tes biens, donne l’argent aux pauvres, puis viens et suis-moi. Cette parole devient insistante pour moi ».

 

Agnès a 18 ans. Pendant 2 ans elle enseignera la lecture à une vingtaine de jeunes à l’école Sainte Ide. A 20 ans, elle s’engage comme catéchiste à Avion, où elle demeurera dans des conditions précaires, faisant même le ménage pour survivre. Car être catéchiste à l’époque n’est pas une sinécure. Agnès ne subsiste que grâce aux dons des parents des enfants catéchisés. Puis la profession de catéchisme s’organise et à 38 ans, pendant 22 ans, elle répond, à Sainte Ide, aux besoins et aux aspirations de 19 classes, soit 500 jeunes par semaine. Un témoignage : « Agnès a eu à Sainte Ide des joies profondes en découvrant des jeunes qui attendaient sans le savoir Jésus Christ, et combien ont pu répondre à l’appel de Dieu et aux appels des autres ».

 

A 60 ans, elle choisit de demeurer à la cité Sellier de Lens, « à la périphérie de la ville, comme le dit notre pape François ». Elle partage la vie de ces familles et des enfants, sans oublier la visite des jeunes en prison en vue d’un travail à leur sortie.

 

Elle écrit : « il y a tant de gens qui vivent l’insécurité. Comment évangéliser les autres sans partager leur vie ».

 

Après un séjour au foyer Moulin de Lens (Résidence pour personnes âgées autonomes), prenant conscience qu’elle perd la mémoire, elle accepte de nouveau de tout quitter pour se retirer en maison de retraite. Là encore « elle soutient le moral de ceux qui l’entourent, consolant les affligés ».

 

Beaucoup de belles choses ont été dites lors de cet hommage :

 

  • Tu étais une âme de feu, rayonnant ta foi au Seigneur Jésus-Christ que tu désirais faire connaître aux autres

  • Agnès est profondément chrétienne et vit sa foi

  • Saint Matthieu au chapitre 25 nous parle du dernier jour. A ce dernier jour un seul critère de séparation entre les hommes subsistera : l’amour des petits. Nous ne serons jugés que sur l’amour. C’est un message universel. Toute la vie d’Agnès a été ce message d’amour, vécu dans l’ombre.

  • Présence d’humilité, de bonté, de douceur, en permanence dans le don d’elle-même

 

Merci Agnès pour tout ce que tu as semé dans nos coeurs.

 

          Agnès était visiteuse de prison. Voici son propre témoignage, retrouvé par sa famille :

 

Un coup de téléphone

 

En 1981, un coup de téléphone : « Voulez-vous être visiteuse de prison ? » Je ne savais pas ce que c’était. J’avais beaucoup de travail. Je refuse. Six mois après : nouveau coup de téléphone… « Voulez-vous être visiteuse ? » Cette fois j’entends l’appel… J’accepte.

 

Voilà huit années que je vais régulièrement à Béthune. Souvent des détenus m’ont posé la question : « Pourquoi venez-vous ici ?"

 

Pour moi être visiteuse… c’est être disponible… sans jugement, ouverte aux besoins… aux appels de ceux qui se retrouvent brutalement dans le monde de la prison. Privé subitement… de liberté, d’espace, de famille, de travail, de considération… Il est difficile de vivre. Je ne pose jamais de question sur le passé. J’écoute autant qu’il m’est possible… J’essaye de chercher avec eux… Comment vivre…« Vivre debout » dans ces conditions. Comment reprendre pied… reprendre espoir en soi-même, dans les autres… avec les autres…

 

Je suis témoin que le travail… les visites, le courrier, le sport, les études, la lecture, les activités, la rencontre de l’aumônier aident beaucoup. Avec certains… c’est un long chemin. Trois, quatre, cinq années… avec ses montées… ses descentes…. Après l’accablement du début… je découvre chez certains l’extraordinaire force qu’est la vie. Et les ressources intérieures insoupçonnées de chacun.

 

J’ai vu certains retrouver dans ce long tunnel la lumière… le sens profond de la vie… la réponse à leurs questions.

 

Je termine par la parole d’un détenu…« Quand on est au fond du trou… une force nous relève »

 

Avec le père Maillard… j’ai envie de dire : « Il n’y a pas d’amour perdu. Chaque homme en vaut la peine ».

 

 

Chantal Erouart

 

 

Article publié par Chantal Erouart - • Publié • 2361 visites