Délivre nous du mal !
Notre pire ennemi n'est pas toujours celui auquel on pense !
Pourquoi ai-je parfois l'impression d'être un autre ? Vous connaissez peut-être, ce sentiment que quelqu'un d'autre pense à votre place. Quelqu'un dont on voudrait bien se débarrasser, mais on n' y arrive pas, c'est lui qui est aux commandes. J'apprends une nouvelle à laquelle je ne m'attendais pas du tout. Elle concerne quelqu'un que je ne connais même pas. Ou alors je le connais, mais de toute façon je n'y peux rien.
Mille questions m'assaillent alors, qui n'ont rien à faire là. Qu'a-t-elle fait pour mériter cela ? Pourquoi elle, et pas moi ?
Et cette personne est présente, elle s'impose s'incruste, alors qu'en réalité elle n'est même pas là.
S'installent bientôt des sentiments incertains, contraires. S'il lui est arrivé un grand bonheur, je suis heureux pour elle, et aussi jaloux peu-être. J'aimerais bien être à sa place. Et pourtant je n'y suis pas. J'aimerais bien qu'elle s'en aille, pour ne plus y penser. Mais elle n'est pas là : pourquoi faudrait-il qu'elle s'en aille ?
La jalousie, l'envie. Quel malheur. Le regret aussi. Voilà une autre imposture. Il m'a manqué de respect, et moi je n'ai pas su me défendre. La honte. Pourtant je sais bien, maintenant, ce que j'aurais dû lui répondre. Ça lui aurait cloué le bec. Et me voilà à me tourmenter, à me laisser envahir, encore. Et encore par un autre, celui que j'étais à ce mement là, au moment de l'affrontement. Pourtant celui-là a bien disparu, et l'ennemi aussi. Tous les acteurs de la scène sont partis, et j'imagine qu'ils sont encore là, qu'il y a encore moyen de répliquer.
Maintenant ça va bien. Ça suffit comme ça. Tais-toi, l'autre, là. Le lontain, ou le disparu. Le mort. Va t'en très loin, va au diable.
La violence, je n'aime pas ça. Et pourtant il faut parfois être violent, avec soi même. Se faire violence, s'acharner. Combattre le mal par le mal.
Ou par le silence. Nous y sommes. Le silence. J'aime regarder mes mauvaises pensées s'éloigner, comme le brouillard se lève doucement pour laisser la place au soleil. Comme la clarté du matin après la nuit. J'aime quand le bruit s'arrête, pour faire place au silence-de mort, peut-être. C'est bien, de temps en temps, de mourir à soi-même.
Ce matin là je me suis réveillé très tôt, après une nuit agitée, à ressasser ceci, et encore cela. Une prière m'est alors revenue, elle revient très souvent dans ces moments-là : "Seigneur, délivre-moi des mains de l'oppresseur. Contre l'homme de violence défends-moi..." (psaume 140, verset 5).
Répétées répétées, ces phrases ont pris la place des autres. Elles se sont à leur tour imposées. Et une grande paix m'a envahi, dans le corps entier. Pas très longtemps, mais suffisamment que je sois guéri de ce mal qui me rongeait.
L'oppresseur, c'est souvent moi-même. Lorsque je me laisse submerger par des pensées qui n'ont rien à faire là, pas à ce moment-là, je suis mon propre ennemi. Alors je peux être mon propre consolateur.
Mais il me faut de l'aide de quelqu'un, de plus puissant. Tout seul c'est impossible de m'en sortir.
"Viens Seigneur, viens vite à mon secours.
Car une foule de pensées m'assaillent, de grandes terreurs agitent mon âme...
"Je marcherai devant vous, dit le Seigneur... J'ouvrirai les portes de [votre] prison, et je vous montrerai les issues les plus secrètes.
"Faites Seigneur, selon votre parole ; et que toutes mes mauvaises pensées fuient devant vous"
(L'Imitation de Jésus-Christ, livre III, chapitre 23).
Jérôme van Langermeersch