Les pauvres sont nos maîtres
Heureux vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous. « St Luc 6,20-21 »
Pour Jean Vanier le mot Anawim désigne celui qui, au sein d'une communauté, est le plus pauvre. Il parle des foyers de l'Arche qu'il a fondés il y a 50 ans, au sein desquels vivent ensemble des handicapés mentaux et leurs accompagnants. Lorqu'une décision doit être prise, l'avis de tous est recueilli, et d'abord celui des plus démunis, ceux qui ont du mal à s'exprimer, les anawim. Lorqu'il y a discordre, ce devrait être leur point de vue qui prime sur celui des autres.
Le diplomate et ancien iranien Madjid Rahnema évoque longuement ce mot dans son livre (p.104-106), « Quand la misère chasse la pauvreté » (Actes Sud, 2003). Littéralement «anaw» signifie, dans la Torah « celui qui est courbé, abaissé, accablé », et en même temps celui qui se soumet à Dieu, dans l'humilité – sa principale vertu. Le mot revient dans la bible au livre de Sophonie : « Cherchez Yahvé, vous êtes tous les humbles de la terre »... « je ne laisserai subsister qu'un peuple humble et modeste (...) tous les autres seront retranchés de la face de la terre ».
Le père Joseph a fondé ATD Quart-Monde sur le principe – génial et évident –que seuls les plus pauvres savent ce qu'est la pauvreté, que ce sont eux les premiers experts qu'il faut consulter pour l'éradiquer. « Les pauvres sont nos maîtres » aimait-til répéter (citant St Vincent de Paul).
J'entendais récemment sur France Inter un débat au sujet de l'évolution de notre pauvre monde. Il était tranquillement évoqué la fin possible de la race humaine, par sa propre faute bien sûr. On procède au saccage méthodique et parfaitement conscient des forêts, des terres cultivables, on vide les mers de leurs poissons (après on sera bien avancés !), on leur fera avaler nos plastiques et autres déchets pour que ça aille encore plus vite, etc.
Pas besoin de l'intervention de Dieu, nous pouvons très bien nous détruire tout seuls !
Les intervenants expliquaient tout aussi tranquillement ce qu'il faudrait faire, et qui serait tout à fait à notre portée (même à 7 milliards, et bien plus d'individus) si nous savions nous organiser, si les volontés politiques existaient. L'un d'eux à précisé : « mais la première des conditions est l'éradication de la pauvreté. Sans cela on ne s'en sortira jamais ».
Un autre disait que même si l'espèce humaine disparaissait, bien d'autres organismes pourraient survivre pendant très longtemps, parce que beaucoup plus simples et moins exigeants – il prenait l'exemple des tortues, qui vivent depuis des millions d'années sans broncher, parce qu'il leur suffit de très peu pour s'adapter à d'importants changements dans leur environnement (y compris la pollution massive).
Les tortues sont nos maîtres...
En fait il nous faudrait un gouvernement mondial, et non divisé en pays (il est scandaleux que cela n'existe pas encore). Il serait composé exclusivement de très pauvres – dont 90 % de femmes. Il devrait évidemment être piloté par des experts, des scientifiques, des sages... mais ce serait elles qui les guideraient dans leurs projets et leurs décisions.
Cela nous éviterait nombre de guerres (ce ne sont pas les femmes qui les déclenchent) et nous permettrait d'être plus respectueux de notre Mère Nature.