l'école se Sainte Thérèse d'Avila

Docteur de l'Eglise

 

Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582) nous a laissé de très nombreux écrits sur son expérience mystique. Elle est considérée comme une de nos meilleures enseignantes, déclarée « docteur de l'Eglise ». Ses textes sont parfois difficiles à suivre. Elle dit elle-même qu'elle a beaucoup de mal à décrire ce qu'elle ressent. Elle a peur d'être confuse, de se répéter, d'oublier des choses...

Elle s'excuse : « Nous autres femmes, pauvres, ignorantes, nous avons besoin d'être aidées en tout » ! (le château de l'âme, Première Demeure, ch. 2)

De plus, elle était constamment en proie à des maux de tête effroyables, elle était atteinte d'épilepsie (elle perdit longuement connaissance le 15 août 1539).

Lorsqu'elle se sentait habitée par Dieu, dans une relation très intime, sa hantise était de se tromper : « est-ce le fruit de mon imagination, l'action du démon ? Est-ce seulement parce que j'en ai envie...ou est-ce vraiment Dieu qui est là ? »

Ces questions reviennent constamment. Elles sont d'autant plus cruciales que son devoir est d'apprendre à ses « filles » comment suivre le Chemin de la Perfection (titre d'une de ses œuvres majeures). Elle se sent donc responsable, et ne veut pas les induire en erreur.

En plus, ce n'est pas elle, « pauvre femme », qui en a décidé.

Toutes ses œuvres sont en fait des commandes.

Le Château de l'Ame a été écrit (en 6 mois) à la demande de son supérieur et guide spirituel. Et pourtant « notre Seigneur ne m'en donne ni l'inspiration ni le désir. En plus, il se fait un tel bruit dans ma tête, je suis tellement fatiguée, que je puis à peine écrire... »

Pour nous aider dans cette voie, elle nous propose des signes qui ne trompent pas :

Lorsqu'une seule parole (« Ne t'afflige point », « C'est moi, ne crains pas ») suffit pour nous rendre calme, nous inonder de lumière, c'est du sûr, du solide.

De plus, une telle expérience ne s'oublie jamais. Elle reste profondément gravée dans la mémoire. Les autres s'envolent rapidement, … ou nous laissent dans le trouble.

Ces paroles sont très claires, il ne manque pas une seule syllabe. Elles semblent surgir de nulle part, au moment où on s'y attend le moins, parfois au milieu d'une conversation. Nous n'en sommes pas responsables.

Lorsqu'il s'agit de paroles divines, l'âme se soumet à elles, elle ne peut s'y opposer. Au contraire si c'est le fruit de notre imagination, elle est comme une personne qui compose peu à peu ce qu'elle veut qu'on lui dise.

 

Au fond le principal obstacle à notre chemin vers Dieu, c'est bien souvent nous-mêmes. Nous raisonnons, nous cherchons une logique là où nous devrions seulement accepter le mystère, l'incompréhensible. Etre seulement comme un vase vide, à remplir sans cesse à neuf de fraîche vie (Tagore, l'Offande Lyrique, 1)

Alors il peut se passer des choses fabuleuses, étonnantes. Sans que nous ayons à fournir le moindre effort, ni faire appel à notre volonté.

 

Si parfois nous n'arrivons pas à entendre ces simples paroles apaisantes – ou le silence bienfaisant – c'est que nous cherchons à être trop nous-mêmes, au lieu d'en sortir.

 

L'idée de sortir de soi revient très souvent dans les écrits de Thérèse. Curieusement, elle accorde aussi une énorme importance, parfois obsessionnelle, à la « connaissance de soi ». Ses élèves doivent absolument connaître leurs faiblesses, leurs péchés, pour entrer en oraison et demander la guérison. Et laisser s'échapper leurs propres pensées, devenir sans cesse une autre personne, puis encore une autre.

Pour moi il y a contradiction. On n'a pas besoin de se connaître, si c'est pour s'en extraire.

Thérèse est à la fois tourmentée, toujours inquiète, insatisfaite, et en même temps dans une grande paix, une jouissance qu'elle nous fait abondamment partager.

 

Peut-être comme nous tous.

 

Jérôme van Langermeersch, le 27/08/2020.