Vierges folles et vierges sages
Comment vivre l'absence du Seigneur Jésus ?
En ce sombre dim anche de novembre, j'assiste à la messe à Libercourt. L'évangile lu ce jour est la parabole des vierges folles et des vierges sages (Matthieu,25). Comme je suis un peu préoccupé, morne, j'écoute le texte de façon distraite. D'autant plus que j'ai l'impression de le connaître par coeur. Je l'ai entendue temps de fois cette histoire.
Dans certaines traductions, les premières sont sensées, les autres sottes.
Je n'aime pas beaucoup ce récit. Pourquoi des vierges ? Et pourquoi les juger de façon aussi manichéenne ? Evidemment c'est une image, une parabole. Mais tout de même, une fois de plus tout cela me paraît très méprisant pour les femmes.
Toutes s'endorment en attendant l'époux, qui est en retard. Déjà on devrait le lui reprocher. Mais non, c'est comme si c'étaient elles les fautives. Celles qui étaient très bêtes avaient oublié de prendre une réserve d'huile pour rallumer leurs lampes. Les autres ne pouvaient partager leur huile, car il n'y en aurait eu pour personne – soit-disant ! Seules les plus malignes purent entrer. Sordide. Pourtant il aurait suffi qu'elles entrent deux par deux, une sage et une folle, la lampe éclairant les deux à la fois. C'était tout bête.
C'est un grand malheur : celles qu'on honore parce qu'elles sont prévoyantes, devraient être blamées parce qu'elles ne veulent pas partager. Ces sont des égoïstes.
La fin de ce récit est, elle, lumineuse. Et c'est ce qu'on nous demande de retenir, en fait : «Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure»
Ensuite, au lieu de suivre le cours de la messe, je me suis plongé dans mes propres réflexions – ce qui est très mal. Car l'évangile me demandait d'être à l'écoute, attentif. Puis les réflexions elles-mêmes se sont tues, et un grand silence s'est installé – au milieu des paroles et des chants. Je n'entendais plus rien, je m'endormais au lieu de veiller, comme le recommande Jésus.
Alors c'est en moi que j'ai entendu nettement : «tu n'es pas assez audacieux» Un mot qui m'est apparu tout de suite très important, que j'ai aussitôt noté pour le retenir – c'était il y a 15 ans, et je m'en souviens encore. Ce message, je l'entends encore parfois quand une décision importante est à prendre, qui me fait peur. Ou quand le regret me guette.
Au fond j'ai compris ce passage de l'Evangile en creux, à l'envers. Les plus intéressantes parmi ces filles, ce sont les insensées. Car elles ont été audacieuses. Elles ont pensé à l'essentiel – la fête. Elles en ont oublié la réserve d'huile. Elles ont pris des risques – et elles ont échoué. Elles ont fait confiance à la Providence. Les autres, sournoises, avaient prévu que l'époux pourrait être en retard. Ce sont des calculatrices.
Quant à la conclusion je dirais plutôt : «Veillez... à ne pas trop vous écouter. A ne pas trop être vous mêmes. Endormez-vous à vos remords, à vos craintes».
Ainsi quand le Maître passera, vous serez prêtes à l'accueillir en vous, à vous laisser pénétrer par lui. Sans réserve. Il se répandra en vous, il s'y sentira bien.
Et c'est vous qui serez les reines.
Et attendez-vous, non au pire, mais au meilleur.
Jérôme van Langermeersch
«Que nous soyons sages ou un peu folles,
ne fermons surtout pas notre coeur,
mais écoutons la voix du Seigneur.»
Soeur Bénédicte de la Croix