Dans l'angoisse
Au jour de l'angoisse, ne t'inquiète pas, fais Lui juste confiance
Je ne sais pas vous (bien sûr je ne sais pas qui vous êtes), mais chez moi lorsque s'annonce une crainte, parfois je la sens arriver de loin . Comme ces nuages noirs qui s'amoncellent, tout là-bas, s'avancent vers nous - et c'est la pluie d'orage. La grande catastrophe.
Parfois au contraire ça ne prévient pas. Et ça ne s'explique pas. Très bizarre. Je me réveille après une nuit de sommeil normale, pas trop fatigante. Et tout à coup c'est l'angoisse. Presque la mort. Aucune pensée cohérente ne s'impose. Une grande impression de vide.
Le mot angoisse vient du latin "angustiae" (toujours au féminin pluriel, allez savoir pourquoi), qui veut dire "passage étroit, défilé". Jusque là tout allait bien, route large, bien droite, bonne visibilité. Et brutalement ça se resserre , ça devient tortueux, dangereux. Des rochers se dressent de part et d'autre du défilé, l'ennemi guette peut-être, tout là haut, invisible. L'angoisse.
Cette sensation d'oppression, de serrement dans la poitrine, définit aussi l'angor, qui peut être annonciateur de l'infarctus du myocarde. Les coronaires (les artères du coeur) se "sténosent", c'est la vasoconstriction qui empêche le sang, et donc l'oxygène, de passer. C'est peut-être la mort. Encore elle.
Ce mot revient souvent dans les Psaumes, les prières de supplication. Au secours, au secours Seigneur ! Viens vite à mon aide ! Ne me laisse pas aller à mes propres terreurs, ne laisse pas le démon me harceler.
"Je cherche Yahvé il me répond (...) Ils crient, Yahvé écoute, de toutes les angoisses il les délivre" (Psaume 34, versets 5 et 18)
Là c'est trop fort. Il suffit que je l'appelle, et il répond. Il m'apaise, il me sauve - de la mort. Quelquefois c'est encore plus explicite : "Au jour de l'angoisse je t'appelle, car tu me réponds" (Psaume 86, verset 7).
Tout est dans ce "car tu réponds" : là on franchit une étape décisive dans la foi. Ce n'est plus seulement "viens vite, j'ai besoin de toi, sauve-moi !" mais c'est "j'appelle le Seigneur, car je sais bien, j'en ai souvent fait l'expérience, qu'il m'entendra, qu'il sera là". En fait il est déjà là.
Et parfois il fait même irruption sans que je l'appelle. Parce qu'il en a décidé ainsi. C'est lui qui décide. Et nul ne peut m'enlever cette croyance - c'est une certitude, en fait, puisque je ressens, tout au fond de moi, un apaisement. Comme une sorte de résurrection. Et personne ne peut venir me critiquer, me dire "non, ce n'est pas vrai, tout ça ce sont des illusions". Puisque personne ne peut dire "ce que tu ressens est faux".
Il semble exister tout au fond de moi, bien vissée, une part de moi-même qui est sûre d'elle, et toujours stable. Il faut qu'elle soit logée bien au fond, sinon les remous, les bruits du monde, les contestations viendraient la perturber.
Mais en même temps c'est une zone très proche, accessible, à chaque instant en fait. Il n'y a pas de raisonnement - heureusement : la raison n'a rien à faire là, elle aussi viendrait tout gâcher. Qui a tort, qui a raison, et puis, comment convaincre ? Tout cela n'a aucune place ici.
Toutes ces questions qu'elles aillent au diable.
Simplement je sais cela, je l'ai expérimenté souvent et personne ne peut me contredire : quelqu'un qui me dépasse, que je ne connais pas, est sans cesse à l'oeuvre, en moi et autour de moi. Et c'est à lui seul que je peux me confier, vraiment.
Solo Dios basta, écrit Ste Thérèse d'Avila. Elle dit, je crois : seul Dieu suffit. Lui seul en est capable - de suffire. Mais aussi : quand je suis seule avec Dieu, je n' ai besoin de rien ni personne d'autre.
Tout le reste m'est bien égal.
Et en premier lieu mes angoisses.