D'un instant à l'autre

Laissons Dieu agir au plus profond de nous-mêmes

L'ula main la main  n des livres de Sainte Thérèse d'Avila a pour titre "le chemin de la perfection". Cette idée de perfection est en pleine contradiction avec l'ensemble du livre, puisqu'il y est essentiellement question d'humilité, de renoncement, de mort à soi-même. Bizzare. Comment peut-on être à la fois parfait, et tout humble ?

"Mes filles, considérez comme l'affaire la plus importante le renoncement à votre volonté propre... ainsi vous accéderez à la sainte liberté d'esprit, qui permet à l'âme de prendre son envol vers le créateur..." (ch.XI).

 

Elle précise bien, dès le début de son ouvrage (comme des autres), qu'elle ne s'adresse qu'à "ses filles", ou ses soeurs, les religieuses qu'elle dirige et instruit. Et pas au reste des humains. Nous autres sommes donc largués, exclus de ses propos. La perfection n'est le lot que d'un petit nombre, nous le savons bien. Et nous tous, qui ne faisons pas partie de l'élite élue, n'avons que nos larmes pour pleurer. Et cette affaire de "peuple élu" m'a toujours un peu choqué, je dois dire. Que de malentendus, que de crimes, à cause d'elle !

 

"A la vérité, poursuit la Sainte dans le même chapitre, le propre de ces vertus est de se cacher aux regards de celui qui les possède".

 

Ouf ! Sauvé ! Finalement chacun d'entre nous a accès, à cet état de perfection, puisqu'il reste mystérieux, incompréhensible. Et personne ne peut en juger, en fait, puisque personne n'y comprend rien.

 

Et je trouve rassurant de me laisser guider, emporter, par un autre que moi-même qui se niche tout au fond de moi, à l'abri des regards et de mes propres raisonnements. Ainsi je n'ai pas à réfléchir, à me demander si j'ai eu tort ou raison. Si j'ai pris cette décision, à ce moment là, j'ai forcément fait le bon choix. Sinon j'aurais décidé autre chose ! Même si maintenant je le regrette, même si je me rends compte que j'ai eu tort... pourquoi m'en faire, puisqu'à ce moment précis j'ai eu raison ? Sans doute je n'avais pas toute ma tête, ou je l'avais ailleurs, je n'avais pas les mêmes armes qu'aujourd'hui... J'étais un autre. Voilà, j'étais un autre.

La lutte contre le regret - si je n'ai fait aucun tort à personne - est parfois très dure, acharnée, une lutte sans merci. Rien ni personne ne m'oblige à retourner en arrière, là où il n'y a plus personne, tout le monde est parti - y compris moi-même. Et pourtant je le fais quand même !

 

sablier sablier  

Le regret gratuit, sans finalité est une des souffrances dont nous pourrions très bien nous passer, sans être ni grands clercs, ni parfaits. Il en est de même pour la crainte du futur : le futur n'existe pas, c'est une illusion. On ne sait pas de quoi demain sera fait.

Alors, pourquoi nous en faire ? Cela n'a aucun sens.

 

 

"N'aie aucune confiance en toi, dit encore Thérèse d'Avila, ce serait folie (...) Le plus sûr est de ne vouloir que ce que Dieu veut : il nous connaît mieux que nous mêmes, et en plus il nous aime" (Le château de l'Ame, 5ème et 6ème Demeures). C'est tout bénéfice !

 

Vraiment, je me sens parfait, même si cela ne dure qu'un instant, lorsque j'ai pu ainsi éviter une pensée venant de moi, une angoisse pour rien, une haine qui n'aboutirait pas, de toute façon.

 

Et je sais que je dis vrai, car dans le même temps ou juste après, je suis une larve, un moins que rien, un désastre.

 

Toute chose devrait être aussitôt validée par son contraire.

 

Ainsi je me sens très libre, un instant puis l'autre.

 

 

aimons Dieu aimons Dieu  Jérôme van Langermeersch

mai 2016