Parcours de vie

Depuis un moment , vous voyez des articles de Jérôme van Langermeersch , nous lui avons demandé de parler un peu de lui

 

 

        homme-sur-la-colline-182325 homme-sur-la-colline-182325   Depuis plusieurs mois je vous écris, à la demande de l'équipe de rédaction, pour témoigner de ma foi et de ce qui m'arrive dans la vie.

 

Je suis marié, nous avons 4 enfants. Mon épouse est enseignante pour des enfants handicapés, dans une « ULIS » (Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire). Je suis  pédiatre, ancien interne du CHU de Lille. J'ai exercé comme médecin de PMI (Protection Maternelle et Infantile) dans la région de Hénin et Carvin, pendant 18 ans, puis comme médecin scolaire à Lens.

 

Depuis 10 ans je travaille dans plusieurs « IME » (Institut Médico-Educatif) auprès d'enfants polyhandicapés souvent lourdement, notamment autistes. J

e travaille aussi   dans une MAS (Maison d'Accueil Spécialisée), auprès de patients présentant aussi de graves handicaps – on n'en connaît pas toujours l'origine – tout  près d'ici. J'exerce aussi à l'ABEJ, une association à Lille qui accueille et soigne des personnes vivant à la rue.

         Depuis plus de 25 ans je lis chaque matin les écrits de Saint Jean de la Croix et de Sainte Thérèse d'Avila, et aussi l'Imitation de Jésus-Christ, l'Offrande Lyrique de Tagore. Beaucoup les Psaumes, aussi.  Ce sont des compagnons de route, surtout les deux espagnols. Mais je les oublie souvent dans la journée, je dois donc les revoir tous les matins.

         Mon père est mort à l'âge de 49 ans. Vingt ans après, ma mère a découvert, sur sa table de chevet, les « Oeuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix » dans sa traduction du Père Grégoire de Saint Joseph. Elle m'a dit : « je crois que ton père lisait ça quelquefois, si tu veux tu peux le prendre ». Il ne nous en avait jamais parlé.

Dès la première page ce livre m'a  happé. C'est comme si j'y habitais depuis toujours. Je le relis sans cesse, et chaque fois c'est comme si c'était la première fois.  J'y retrouve des thèmes que j'évoque dans mon premier livre (que j'avais écrit avant) : « D'un instant à l'autre », éd. Anne Sigier, 1995.

En 2002 j'ai publié aux éditions du Seuil, « Tu combles les vides de mes désirs ». Cette phrase est tirée du Cantique Sprituel de Saint Jean de la Croix. L'éditeur a rajouté en sous-titre : « Une autre petite voie », faisant référence à la « petite » Thérèse, celle de l'Enfant-Jésus (la grande étant celle d'Avila, devenue elle aussi ma compagne de tous les instants, en secret).

         En 2001 j'ai publié (aux éditions de l'Harmattan) « Nos enfants sont des enseignants ». J'ai appris cela lorsque j'étais en PMI : j'allais voir tous les jours les enfants dans les écoles maternelles et élémentaires, et aussi chez leurs parents.  Surtout les plus pauvres. Ceux qui ne sont pas tout de suite attachants. Ou sans langage. Parfois autistes, un peu comme nous.

         Par le passé je suis souvent monté sur les Monts Voirons dans les Alpes,  près de Genève, au monastère de Bethléem. Les petites sœurs du même nom m'ont elles aussi happé dès le premier instant, dans le silence et la contemplation. Un jour j'y ai retrouvé l'Abbé Pierre, que j'ai rencontré très souvent,  dans des lieux de prière ou son petit bureau de Charenton, ou parmi les compagnons d'Emmaüs. Pendant 26 ans, entre 1969 et 1995, il m'a confié beaucoup de choses. Dès le début il me disait qu'il attendait la mort... alors qu'il bouillonnait sans cesse de nouveaux projets. Je l'ai vu en colère, en prière, en silence. Ou tenant des discours interminables. Révolté, acharné, ou résigné. Humilié ou victorieux.

         J'ai été pendant 30 ans allié du Mouvement ATD Quart Monde. J'ai souvent rencontré le Père Joseph Wrésinski. Un jour il m'a dit « la prière est un don ». Cela a pour moi été une révélation. Je ne savais pas que c'était un don – peut-être croyais-je qu'il fallait, pour prier, le décider. Faire des efforts.

         Le Père Joseph m'a envoyé en Inde, en 1986, pour créer des liens entre ATD et des amis engagés dans la lutte contre la misère dans leur pays. C'était dans la région de Raipur (Madhya Pradesh), puis celle de Patna dans le Bihar, l'état le plus pauvre de l'Inde. Ces amis sont ensuite venus, en 1988, découvrir le Quart-Monde de Lille...    si éloigné de la pauvreté en Inde. Ils nous ont donné des leçons d'humilité, et aussi enseigné des méthodes pour mieux agir.  

         J'ai aussi été un ami de Jean Vanier le fondateur de l'Arche. Il m'a expédié au Canada, en Côte d'Ivoire, en Inde. En 1975 j'ai passé deux jours avec la Mère Teresa,  à Calcutta. Le 31 juillet, tout au long de la messe  à la Mother House, j'étais juste à côté d'elle ! Après je suis parti au Bangladesh, en messager de l'Abbé Pierre pour créer ces comités de jumelage auxquels il tenait tant depuis le génocide de 1971.

         Et j'ai  été le dernier médecin  en mission au Rwanda, avec Médecins Sans Frontières  en 1994, au moment du génocide.

         En 1978 et 1979, pendant près de 18 mois, j'ai été médecin coopérant au Cameroun, dans la forêt équatoriale. J'y ai rencontré beaucoup d'enfants, victimes des violences entre adultes, et d'abord, disaient-ils, de la sorcellerie. A mon retour j'ai écrit ma thèse de médecine : « L'enfant, éducateur de ses parents ».

        

         Comme nous tous je suis très inquiet pour l'avenir de notre pauvre monde   (était-ce plus paisible avant ? Plutôt le contraire). 

         Lorsque me vient, si souvent, la tentation d'angoisser, j'essaie de me rappeler ce qu'écrit Saint Jean de la Croix (La Montée du Carmel, livre 3 ch.5) : « C'est en vain que tout homme se laisse aller à la crainte. Il est clair en effet, qu'il est inutile de se troubler, car jamais le trouble n'a été d'un profit quelconque ».

 

Jérôme van Langermeersch