Exode
QUAND LA NUIT SE FAIT DENSE
« Yahvé marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu'ils puissent marcher de jour et de nuit » (Livre de l'Exode 13, 21)
Notre Seigneur, qui protégeait ainsi son peuple dans sa fuite d'Egypte, s'est montré une fois de plus très fort. Il fallait y penser ! Et lorsque l'armée de Pharaon s'est vraiment lancée à la poursuite des Israélites, il a même fait déplacer par son Ange la colonne de nuée derrière eux. Ainsi « le camp des Egyptiens et le camp d'Israël ne purent jamais se rencontrer » (Exode 14, 20).
Le passage de la Mer Rouge, le rôle joué par Moïse, sont fondateurs pour les trois grandes religions monothéistes – les juifs, les musulmans, et les chrétiens. Ainsi ils les rassemblent.
Nous sommes là très loin des prières apaisantes qui nous viennent lorsque nous sommes dans la détresse. Là c'est la guerre, le chaos, une question de vie et de mort. Le Dieu brutal, celui qui « culbute les Egyptiens au milieu de la mer », que ses protégés avaient franchie à pied sec.
Et cela nous rappelle que notre foi est aussi une question de violence – la Bible regorge d'histoires atroces, meurtres, viols, enlèvements, esclavages...
Parfois quand je suis au fond du gouffre, quand plus rien ne va, j'ai besoin de me faire violence. J'ai besoin qu'un plus puissant que moi vienne tuer l'ennemi qui est en moi – celui dont je me rends parfois esclave.
« Quand la nuit se fait dense, son amour est un feu », écrit Frère Roger de Taizé. « A toi de regarder cette lampe allumée dans l'obscurité, jusqu'à ce que l'aurore commence à poindre, et le jour à se lever dans ton cœur ». (Vivre l'Inespéré, 1974)
Peut-être Frère Roger pensait-il à ce passage de l'Exode en écrivant ces phrases.
« A la veille du matin, Yahvé regarda vers la colonne de feu et de nuée vers le camp des Egyptiens, et y jeta la confusion (…) Puis Moïse étendit la main sur la mer, et au point du jour, la mer rentra dans son lit (...) » (Exode 14, 24 – 27)
Notre combat contre Satan, dans la nuit et le doute, doit se terminer par la victoire au petit matin, puis au grand jour. Comme la résurrection après la mort.
Sinon notre foi n'a pas de sens. Même au plus profond du désespoir, essayons de nous protéger en faisant silence, avec patience, en attendant des jours meilleurs.
Qui seront suivis par d'autres plus tristes.
Puis par la mort.
Elle ne devrait pas nous faire peur.
Viens Seigneur, apaiser mes angoisses. Je sais que tu es là tout près, à attendre ton tour. Je ne te vois pas mais je sais que tu es là.
C'est souvent dans la nuit et la solitude que se préparent les vraies rencontres.
En fait, il nous faut bien distinguer la nuit qui veut dire qu'on ne voit plus rien, on n'espère plus – de celle qui est oubli de toute pensée, renoncement à soi, pour se laisser envahir par la lumière de Dieu. Quand cette nuit-là se fait plus dense, son amour est un feu. C'est une vraie opportunité qui nous est offerte, si nous sommes prêts à nous engager sur une nouvelle voie, en attendant avec courage, avec crainte peut-être, qu'un nouveau jour se lève.
Cette nuée-là, annonciatrice de joie, nous devons la regarder pleins d'espoir – avec le regard que Dieu nous offre quand tout autour de nous, et en nous, se fait sombre.
Et l'aurore commence à poindre dès qu'on se tient prêt à tout, à tout entendre.
Le premier chant de l'oiseau, les premiers rayons du soleil, prennent alors une importance capitale.
Inespérée.
A nous de nous accrocher à ces moindres signes, sans en démordre – comme on prend appui sur les plus petites aspérités qui s'offrent à nous pour gravir une montagne difficile.
Jusqu'au sommet, jusqu'à la victoire.
Jérôme van Langermeersch, le 27/05/2018.