Est-il possible que Dieu n'existe pas ?

S'il n'y avait plus aucun mystère, aucun miracle, je ne ressentirais plus rien.

 

         

          Après tout. Beaucoup de gens vivent très bien sans se poser ce genre de question. Ils peuvent être amoureux, généreux, remuer ciel et terre pour rendre le monde meilleur. Et il ne leur viendrait pas à l'idée qu'il puisse exister une personne, inconnue, mystérieuse, à l'origine et à la fin des temps. Qui les dépasse. Inaccessible à tout raisonnement, et encore moins aux sens – la vision, l'audition, le toucher.

          D'autres y pensent, mais nient farouchement son existence – sans en apporter la moindre preuve. Parfois c'est un combat acharné, une lutte contre ceux qui croient en  Dieu. Ces derniers non plus, ne peuvent prouver qu'il existe. Bizarre. 

          Et il y a ceux qui croient en un Dieu, et méprisent ou exterminent ceux qui croient en un autre. Ou d'une autre façon. Le pape Innocent III – si mal nommé – a ordonné le massacre à grande échelle des Albigeois (appelés beaucoup plus tard les Cathares). Ils prêchaient pourtant la même religion – mais de façon différente, plus dépouillée. Plus proches des pauvres. Ils menaçaient sa puissance et son influence sur plusieurs peuples. Les papes alors étaient très puissants... et certains tenaient à le rester. Celui-là a régné entre 1198 et 1216.

          Bien d'autres exactions ont été et sont encore commises au nom de la foi, ou plutôt de la religion. Quelle qu'elle soit.

          Et  leurs auteurs ne savent toujours pas présenter celui au nom de qui ils agissent. Ils sont seulement convaincus. Fanatisés.

 

          Si l'on me demandait qui est ce Dieu auquel je crois, évidemment je ne saurais pas répondre (de toute façon cela n'est presque jamais arrivé).

          Mais pour moi il est impossible qu'il n'existe pas. Si j'imaginais cela, j'aurais l'impression de sauter dans le vide sidéral. Sidéré.

          Le terme croyance n'est peut-être pas le bon. Il s'agit plutôt d'une sensation. Une respiration. Si je ne respire pas je meurs. Même si, grâce à Dieu, je n'ai pas besoin d'en avoir conscience à chaque instant.

          Si Dieu ne m'accompagnait pas, ne me prenait pas  la main à chacun de mes pas, je sais bien que je n'avancerais pas. Seul je ne suis capable d'aucun raisonnement qui tienne. Qui tienne la route. Seul je renverse tout sur mon passage. Je vacille.

          Je peux sentir mes tourments du moment s'échapper à la moindre occasion. Simplement en regardant bouger les nuages, se former et se déformer incessamment. Ou en observant un oiseau s'envoler – pour aller où ?

          Il y a tant de mystères simples dans la nature. Elle aussi nous échappe – nous n'en connaissons probablement qu'une toute petite partie Au fond elle ne nous appartient pas – et en même temps nous en faisons bien partie.  C'est comme notre cerveau : il paraît que nous commençons tout juste à en comprendre un tout petit peu le fonctionnement.  Et nous n'arriverons probablement jamais à le connaître vraiment, puisque c'est lui-même l'outil que nous utilisons. Il est à nous, et il nous est étranger.

         

          Si de tels phénomènes me font sortir de moi, me fascinent et m'apaisent, il faut bien que quelqu'un en soit à l'origine. Quelqu'un à la fois infini, et très proche, comme collé à moi, viscéralement. Et qui souvent s'introduit en moi.

          Et celui-là forcément nous aime. Si nous ne ressentons pas cet amour, dans notre chair, notre foi n'a pas de sens. Elle reste une vue de l'esprit.

 

          Qui a dit : « il n'y a pas d'amour sans preuves d'amour »? 

          Un imposteur.

          On peut très bien aimer, se sentir aimé, sans apporter de preuve, ou en chercher.

          Au contraire, cela pourrait tout gâcher.

         

          Et si Dieu se révélait au grand jour je crois bien que tout s'écroulerait.

          S'il n'y avait plus aucun mystère, aucun miracle, je ne ressentirais plus rien.

         

          Ce serait la mort dans mon âme.

Jérôme van Langermeersch, 03/01/2021