Que dire de notre foi ?

NOUS SOMMES DES TEMOINS, MAIS DE QUOI ?

 

Il y a une cinquantaine d'années, j'entendais un prêtre s'écrier au cours d'une homélie :

« mais tout de même, notre foi ne peut pas dépendre de nos états d'âmes ! »

Cela sortait du cœur, des tripes. C'était un cri de révolte sans violence – le cri du cœur.

Un autre me confiait : « ta foi, ce n'est pas comme un portefeuille que tu tiens bien calé dans ta poche, dont tu peux à tout moment vérifier que tu ne l'as pas perdu ».

Si nous sommes croyants, nous devons bien quelquefois en rendre compte, et rendre des comptes. Nous devons être capables d'en témoigner, de nous expliquer un minimum – et il nous faut bien rendre grâces pour avoir reçu un tel don.

Pour témoigner, point n'est besoin d'être sûr de soi. Sinon nous n'y arriverons jamais, puisque nous ne serons jamais sûrs. Nous pouvons déjà faire part de nos doutes, et aussi de nos instants de certitude. Pour qu'il puisse dialoguer avec l'incroyant, le croyant doit d'abord savoir « dialoguer avec l'incroyance qui est dans son cœur » (Jean-Claude Barreau, La Reconnaissance, ou qu'est-ce que la foi ? ) (Ed du Seuil, 1968).

Notre discours aura plus de valeur si l'autre sent en nous notre faiblesse et nos incertitudes, et comment nous savons très bien les accepter et en vivre. L'interlocuteur sera plus à l'écoute, et nous serons plus poussés dans nos retranchements.

 

Notre foi ne dépend pas de notre joie ou de notre tristesse, de nos angoisses ou de nos moments de paix. Car tout cela existe, tout est là, à redonner à Dieu, qui est prêt à les accueillir, bras ouverts.

Ainsi nous sommes prêts à rendre grâces, simplement parce que nous ressentons cette présence. Nous supplions quand nous sommes dans la crainte, nous remercions quand ça va mieux, c'est aussi simple que cela.

Finalement nos paroles, ni même nos actes, ne servent à rien en pareils cas.

« Si on ne le voit pas, comment comprend-on que c'est le Christ qui est là ? A cela l'âme ne pourra répondre (…). Ce qu'elle peut dire seulement, c'est qu'elle le sait d'une manière très certaine » (Ste Thérèse d'Avila, le Château de l'Ame, 6èmes Demeures, ch. 8)

 

Quelquefois il nous est impossible de dire autre chose que « j'en suis absolument sûr ». Je sens qu'un autre est là, un infini que je ne puis atteindre et qui est tout près, et même en moi. Je ne puis rien vous dire d'autre. Cela dépasse l'entendement, les raisonnements.

 

Maintenant, 50 ans plus tard, je ne suis plus d'accord avec le second prêtre : cette foi elle est bien là, chevillée au corps, à chaque instant.

Encore mieux que le portefeuille dans ma poche.

Et ce n'est pas un objet, mais une personne. Elle est là pour me rabrouer quand je divague, quand des pensées incertaines me passent par la tête et voudraient y entrer.

Mon Seigneur est comme une vigie, perchée en haut du mât quand moi je suis dans la galère. Il me crie quand je perds confiance : « terre ! Terre en vue ! Bientôt la fin de tes tourments et de tes errances. Bientôt tu seras en sécurité ».

Pourquoi sommes-nous si prompts à nous attrister quand le temps est triste ? Ou quand surgit l'ennui, la déception ? Nous devrions être déjà au-dessus de ça, quand le temps sera au beau. Au beau fixe. On dit bien ça, alors qu'on sait bien que ce beau temps non plus ne durera pas. Nous nous berçons sans cesse d'illusions, bienfaisantes ou maléfiques.

Nos états d'âmes.

 

En fait, je me demande si c'est si important de témoigner...

Une petite sœur de Bethléem me citait un apophtegme d'un père du Désert :

« Si je ne vous ai pas convaincu par mon silence, comment le ferais-je par mes paroles ? »

Jérôme van Langermeersch, le 09/12/2018