Ma faiblesse, c'est ma force

La force d'aimer

 

 

La peur a frappé à la porte                         Fear knocked on the door

La foi a répondu                                          Faith answered

Il n'y avait personne.                                   There was no one. 

 

Martin Luther King (La force d'aimer, p. 193) nous explique que cette célèbre devise se trouvait jadis couramment sur le mur des maisons de personnes pieuses. Il ajoute : elle devrait être gravée dans nos cœurs.

J'ai lu ce livre, publié en 1963, il y a  50 ans. Et ce petit texte est toujours resté, en effet, gravé dans mon cœur. J'y repense très souvent. Je viens de le relire, et tout d'un coup il prend un sens différent, opposé. 

Jusque là j'avais compris : celui qui a peur – c'est souvent irraisonné, incompréhensible – sonne   à la porte de la foi. Il peut essayer de se mettre en prière, rencontrer un prêtre, faire une retraite dans un monastère... et au bout du compte ça ne sert à rien. La foi  essaie de lui donner des clés, de le consoler. Mais il n'adhère pas, ou ne comprend pas. Cette réponse à ses peurs ne lui convient pas. Alors il  retourne vers elles, tout aussi tourmenté. Et la foi ne trouve plus personne derrière la porte.

 

Et aujourd'hui je l'interprète en sens inverse.

Dès lors que je me laisse retourner (« convertir ») par la foi, tout change et je n'ai plus peur : derrière la porte cette personne craintive, anxieuse, n'est plus là. Elle a disparu car elle a repris confiance en elle. Elle n'a plus besoin de frapper à la porte une nouvelle fois pour chercher du secours.

Ne sois plus incrédule, mais croyant (Jean, 20, 27)

 

Martin Luther King explique dans ce chapitre (« Antidotes de la peur ») qu'à l'origine de beaucoup de conflits, et notamment interraciaux, il y a les peurs réciproques. Les incompréhensions, au fond. Avant de le haïr, on a peur de l'autre.

La foi n'est pas un acquis pour la vie, que l'on posséderait une fois pour toutes. Ce serait trop simple, et un peu triste. On pousse la porte, on trouve la réponse, et l'on repart satisfait. On n'a plus besoin de revenir. Non, ça ne marche pas comme ça. Il y a toujours des moments de vague à l'âme, de découragement, de fatigue. Des moments où tout se brouille et où l'on ne comprend plus rien.

 

Peut-être est-ce alors le bon moment. Le moment de recevoir une nouvelle semence, qui nous fera repasser de la mort à la vie. Autrement. Comme jamais. Parce que dans ces périodes troublées (chacun, collectivement), nous sommes plus vulnérables, plus réceptifs.

C'est lorsque je suis faible, qu'alors je suis fort (2ème lettre de Paul aux Corinthiens, 12,10).

 

Au fond notre foi est misérable. Aux yeux des incroyants, ce n'est pas très reluisant. Ni très attirant. On nous explique qu'il faut d'abord nous morfondre, nous humilier, pour ensuite entrer dans une nouvelle vie, une nouvelle demeure. Et encore ce n'est même pas sûr. On pourrait trouver porte close.

Et notre foi est resplendissante. Aussi. Mon père disait que s'il n'y avait pas la religion catholique, il ne resterait plus grand chose des œuvres d'art, que ce soit en peinture, sculpture, architecture (les cathédrales), littérature, et bien sûr musique. Bach a composé une cantate pour chaque dimanche de l'année...

 

Ainsi il y en a pour tous les goûts. Nous retombons toujours sur nos pieds.

 

Il m'arrive parfois – rarement – de me sentir comme accompagné par quelqu'un, que je ne connais pas, alors que je suis seul. Et ce quelqu'un prend toute la place. Il m'empêche de penser, de m'attrister, de me rappeler de méchants souvenirs.

Cet été, je visitais le célèbre musée Michelin à Clermont-Ferrand. Un lieu très étrange, à la gloire de l'entreprise qui fut longtemps le premier producteur mondial de pneus – entre autres. Absolument à l'opposé d'un endroit invitant à se recueillir, ou à prier. Et pourtant, pas à pas, marche après marche (il y a beaucoup d'escaliers!), j'entendais comme une interdiction de me poser la moindre question. Dès que j'essayais, aussitôt elle tournait court. Je devais seulement me laisser guider  par mes pas. Rien d'autre.

Et forcément cela venait de quelqu'un. Et mes pas devenaient les siens.

 

Parfois il suffit de pousser la porte.

Et parfois même, il n'y aucune porte à pousser.

 

Jérôme van Langermeersch, le 29/11/2020