Avons-nous besoin de religion?

face à face avec Dieu

face a face avec Dieu face a face avec Dieu  Dimanche dernier en l'église de Carvin, le père Avodo terminait son homélie par ces mots :

« Préparons-nous, notre vie durant, à rencontrer notre Seigneur, face à face. Dans un esprit d'amour et de charité ».

L'homélie avait duré 7 minutes 30 secondes.

Notre curé a l'art de prononcer des discours concis, qui vont droit au but. Pas de fioritures, pas de détours.

A la sortie je suis allé lui dire : « bravo pour ton homélie ! Après ça il n'y a plus rien à ajouter. Tout est dit !»

Ce n'est qu'un peu après que j'ai songé : mais au fond, nous n'avons même pas besoin de religion. Notre vie de croyant, à chaque instant, c'est la rencontre intime avec Dieu, même si nous ne le voyons pas encore – et quelle importance ?

Et c'est tout.

 

On dit souvent aussi : nous sommes en recherche. Mais être en recherche, c'est déjà avoir atteint le but. Puisque de toute façon nous n'atteindrons pas le but, pas en ce monde-ci.

« Console-toi : tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais déjà trouvé » (PASCAL, Pensées, Prologue mystique)

 

On se perd un peu en conjectures sur l'origine du mot « religion » - et tant d'atrocités sont perpétrées en ce nom...

En latin « religio », c'est « scrupule religieux, crainte pieuse ». Rien de très réjouissant ! Ce mot vient lui-même du verbe « relegere », recueillir, rassembler de nouveau (à ne pas confondre avec relegare : reléguer, rejeter au loin, bannir !).

Là c'est déjà plus engageant : adhérer à une religion, ce serait relier entre eux « à nouveau » ceux qui s'étaient éloignés.

 

« Relegere » veut dire aussi « repasser par un lieu, ou par la lecture : relire »

Relire : là nous y sommes.

J'ai entendu à la radio le peintre Pierre Soulages, interrogé par un journaliste

  • Quelles sont vos lectures préférées, qu'aimez-vous lire ? lui demandait-il.
    • Je ne sais pas lire, répondit Soulages, je ne sais que relire.

 

Au fond ce qui nous est demandé, c'est de relire sans cesse ce que nous connaissons déjà – notamment la Bible. Nous imprégner de ce que nous avons déjà compris. Même si nous n'avons encore presque rien compris.

« Vis le très peu de choses que tu as compris de l'Evangile, écrit Frère Roger de Taizé. Annonce ma vie parmi les hommes.Allume un feu sur la terre. Toi, suis-moi » (Vivre l'Inespéré)

 

Nous n'avons pas vraiment besoin de religion. Elle se passe de commentaires, sources de malentendus, de conflits. Quand elle n'engendre pas l'inquiétude, le remords, les scrupules.

Dans le Notre Père, on a voulu changer la formule « ne nous soumets pas à la tentation », pour « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Parce que Dieu serait incapable de faire ça – mais qu'en savons-nous ? Avant on disait « ne nous laissez pas succomber... » donc ça allait très bien !

En latin c'est encore autre chose  : « ne nos inducas in tentationem » Au subjonctif présent. Ça laisse planer le doute : « ainsi, tu ne nous induirais pas en tentation ?... peut-être que nous avons encore quelque chance... »

Finalement on tourne en rond – ou on revient aux sources.

Nous ne faisons que relire ce qui était déjà, dès le début.

 

Mais pour moi une seule phrase compte : « que ta volonté soit faite ».

Là on ne change rien.

Si nous répétons ça sans cesse, si nous l'intériorisons vraiment... c'est suffisant pour accéder directement à Dieu.

Plus besoin d'intermédiaire – de religion.

Jérôme van Langermeersch, le 28/10/2018