N'y pensons plus

Attendre patiemment que Dieu vienne à mon secours

N'Y PENSONS PLUS

 

Evangile-du-jour-n-Dieu-est-notre-soutien Evangile-du-jour-n-Dieu-est-notre-soutien  Au fond je ne me connais pas, et ce n'est pas une mauvaise chose. Ainsi je me réserve bien des surprises. Celui qui disait « connais-toi toi-même » était à mon avis dans l'erreur. Un imposteur.

Ainsi récemment, alors que je ruminais et ruminais encore un projet de vengeance – quelqu'un m'avait humilié, cela arrive souvent – j'ai senti en moi une force mystérieuse, m'ordonnant de cesser ce jeu idiot.

Avant cela je m'en sentais incapable, alors cela m'a surpris. Je devenais soudain une autre personne, bienfaisante, sans esprit de revanche. Apaisée.

Un vrai cadeau du ciel, car je n'avais fait aucun effort.

C'est ce qui m'arrive parfois lorsqu'un mauvais souvenir, une douleur du passé, soudain s'effacent d'eux-mêmes. Un homme nouveau naît alors. Ou plutôt je redeviens un enfant, celui que je n'ai jamais cessé d'être. Un petit enfant en apprentissage, prenant des leçons – leçons d'amour, de pardon, envers les autres comme envers lui-même.

Quand nous arrivons ainsi à tuer la haine, le remords, nous approchons en fait de la perfection. Nous n'y sommes pas, mais nous en approchons. Et c'est très facile, très fréquent aussi. Nous avons chaque instant une occasion de nous sortir de nous-mêmes, de vivre une nouvelle naissance. C'est merveilleux, et tellement banal.

Pour Saint Jean de la Croix, « une seule pensée de l'homme vaut plus que l'univers tout entier. Voilà pourquoi Dieu seul est digne de notre pensée, et à lui seul elle est due ; aussi toute pensée qui n'est pas pour Dieu est un vol fait à Dieu » (Avis et Maximes, 243).

On pourrait aussi dire  (ce qui revient au même) : lorsque j'arrive à ne pas penser du tout, hormis à Dieu, lorsque j'arrive à ne plus être que silence, comme lui, j'accède à lui, directement. Ou c'est lui qui m'attire vers lui, sans que je puisse m'y opposer puisque je n'ai plus aucune volonté, aucun autre désir que d'aller vers lui, pour le devenir. J'ai ménagé en moi une petite faille par laquelle mon Seigneur a pu s'introduire, et combler mon absence de désir.

 

Nos enfants deviennent nos enseignants, quand ils nous apprennent que nos pensées, comme notre langage, sont souvent très pauvres, et vains.

Dans mon métier de pédiatre, que j'exerce depuis plus de 36 ans, j'ai eu l'occasion d'observer, d'écouter des centaines d'enfants. Des enfants malades, handicapés, ou en grandes difficultés dans leurs apprentissages, leurs progrès.

Beaucoup ont des troubles du langage, ils n'arrivent pas à bien s'exprimer, on ne les comprend pas. Leur langage est trouble.

Et beaucoup ne parlent pas du tout, ils restent en silence en permanence.

Certains paraissent en souffrir, d'autres non. C'est souvent un grand mystère – et c'est la première des questions à se poser.

Et je m'aperçois depuis le début, et de plus en plus, que ce sont eux qui nous apprennent le mieux nos manques à nous, nos troubles du langage. Car nous en avons tous. Nous n'arrivons pas, très souvent, à nous faire comprendre, peut-être simplement parce que l'autre, en face, est occupé à autre chose. Il n'écoute pas.

Les enfants les plus en souffrance exigent de moi une plus grande attention. Ils m'apprennent à écouter. Je dois comprendre ce qu'ils veulent me dire dans leur silence, ou leurs mots tout déformés.

Dans la prière c'est souvent ce qui se passe : je devrais rendre grâces, ou supplier, ou louer Dieu, mais je ne trouve pas mes mots. Remercier quand tout va mal, implorer quand ça va bien, chanter des louanges quand j'ai bien d'autres chats à fouetter... je suis très souvent en décalage, à côté de la plaque.

Le mieux est alors de ne rien dire, et d'attendre patiemment que Dieu vienne à mon secours (l'Imitation de Jésus-Christ, livre III, ch. 23)

C'est dans le sommeil et la nuit que se préparent les lendemains.

N'ayons pas peur des mots.

N'ayons pas peur, non plus, de leur absence. Jérôme van Langermeersch, 25/08/2019