La vengeance du pardon

Un éclairage romanesque sur les différentes facettes du pardon.

la vengeance du pardon la vengeance du pardon  Il n'y a pas de vie d'homme qui ne soit traversée par la question du pardon. Dans sa vie on a soit à être soit à pardonner. Et le pardon ça peut avoir des tas de couleurs.

 

L'écrivain Eric-Emmanuel Schmitt tente de nous le montrer dans son dernier roman au titre un peu provocateur : La vengeance du pardon. Quatre destins, quatre histoires vont nous permettre de discerner les sentiments les plus virulents, les plus obscurs qui régissent notre existence.

 

Selon la doctrine chrétienne on pardonne par amour comme le Seigneur nous l'a appris. Lorsque Pierre s'approche du Seigneur et lui dit : « Combien de fois pardonnerais-je à mon frère... Jusqu'à sept fois ? » Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à 70 fois sept fois. » (Matthieu 18, 22)

 

Pardonner prend alors le sens de dire à celui qui nous a trahi, trompé, offensé que je ne le réduis pas à son acte nocif, que je ne le pétrifie pas dans une mauvaise action mais qu' au contraire je lui rends toute son humanité, le respect et le crédit qu'il mérite. Le pardon prend alors une coloration altruiste.  Les personnages campés par Lily l'une des soeurs Barbarin ou encore Mandine "Mademoiselle Butterfly" sont là pour nous le démontrer.

 

On peut aussi pardonner égoïstement comme le fait William pour ne pas être rongé par un sentiment de culpabilité vis à vis de son fils. On pardonne alors à l'autre pour soi, pour avoir la paix, sa propre paix.

 

Il y a aussi l'impardonnable. C'est l'histoire d'Elise qui doit faire face à Sam l'assassin de sa fille. Elle se retrouve confrontée à quelqu'un qui ne se sent pas coupable, qui se montre avec une empathie et une indifférence absolue face à l'acte horrible qu'il a commis. Devant ce mur qui se dresse devant elle Elise va éprouver une souffrance telle qu'elle va être amenée à se venger d'une manière non conventionnelle que la lecture du livre nous révèlera.

 

Avec une touche de poésie l'auteur évoque dans une dernière nouvelle au titre évocateur "Dessine-moi un avion" l'histoire de ce pilote allemand qui se demande encore aujourd'hui si le dernier avion qu'il a abattu n'était pas celui de Saint-Exupéry.

 

Un bon roman plein de suspens  qui nous invite à réfléchir à un moment où la société ne se résout plus à pardonner, sur ce que représente pour chacun d'entre nous le pardon. Sans doute un acte complexe qui mélange du rationnel et de l'émotionnel, qui nous rappelle nos limites et qui  nous accompagnera tout au long de notre vie que l'on soit croyant ou incroyant.

 

 ERIC-EMMANUEL SCHMITT, de l'académie Goncourt

La vengeance du pardon, Editions Albin Michel

                                  septembre 2017

Christian Houdart