Une présence

Poussé par le désir de répondre à celui dont le nom est « Amour »

photo3 photo3  Alors que nous parlions de tout à fait autre chose, mon fils aîné, Jérémie, m'a demandé : « Mais pourquoi crois-tu en Dieu, alors qu'on ne l'a jamais vu, personne ne le connaît ? » Pendant un instant j'ai cru que j'allais être désarçonné, par une question pourtant très banale, et qui se pose depuis la nuit des temps. C'est que Jérémie, en 19 ans d'existence, ne m'avait jamais demandé ça. Mais immédiatement j'ai dit :« Et bien, si quelqu'un me donnait une réponse claire, je me méfierais de lui. Je penserais que c'est un menteur. J'aurais toujours un doute ».

 

« Parce que tu m'as vu, Thomas, tu as cru. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jean, 20, 29)

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En fait je n'aime pas trop cette histoire de Saint Thomas - beaucoup de gens, même incroyants ou dans un tout autre contexte, s'en servent pour se justifier : « moi je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois, quand on me donne des preuves ».

Non, franchement, je préfère ne pas être à sa place. Ainsi je suis libre. Tout devient possible. Pas de visage, pas de voix à me remémorer. Libre comme l'air et pour le fendre.

 

« Je ne vois pas le Christ, ni avec les yeux du corps, ni avec ceux de l'âme. Comment alors puis-je comprendre qu'il est plus près de moi que si je le voyais ? »

Sainte Thérèse d'Avila s'exprime ainsi dans le « Livre de la vie » (ch. 27,3). En fait, elle a énormément de mal à expliquer, comme elle le dit elle-même, ce qui lui arrive parfois. « Je ne le voyais pas, et pourtant il m'était impossible de ne pas reconnaître qu'il était auprès de moi, que je le voyais clairement, je le sentais » (idem)

De son côté Saint Jean de la Croix écrit : « ces âmes voient clairement qu'il leur reste tout à comprendre de Dieu » (le Cantique Spirituel, strophe 7ème)

 

Je relis l'une et l'autre, chaque jour depuis plus de 25 ans. Et il me semble que le fait de croire en Dieu n'est pas leur première préoccupation. En fait ils sentent sa présence, il est là au plus intime, et ça suffit. Point n'est besoin de croire. Cela gênerait même cette intimité.

 

On a dit et redit que leurs extases (surtout chez Sainte Thérèse) étaient imprégnées d'érotisme - les mots « jouissance, délices, désirs, douceur  profonde... »,  et bien d'autres équivalents, reviennent sans cesse, à chaque page. En même temps ils disent se méfier beaucoup de ce qui ne pourrait être qu'illusion, fruit de leur imagination.

Et ils évoquent aussi les « atroces souffrances » que subit l'âme recherchant Dieu sans le trouver. Ils ne peuvent trouver refuge ni dans le raisonnement, ni dans la sensualité (Jean de la Croix parle de « nuit des sens »)

 

Et pour moi la relation à Dieu ne peut se concevoir sans le sentiment d'une présence physique. Sentiment qui devient certitude, au fil du temps.

Et lorsqu'il s'éloigne, lorsqu'il s'absente, je suis dans l'angoisse.

Elle non plus ne s'explique pas, simplement elle est là, réelle.

 

C'est bien la preuve.

 

photo2 photo2  Jérôme van Langermeersch