Témoin d'une Bonne Nouvelle
Messe de la santé à l'église Saint Léger à Lens
Témoin d’une Bonne Nouvelle
Depuis 1992, l’Eglise célèbre, le 2ème dimanche de février, fête de Notre-Dame de Lourdes, la Journée Mondiale du malade, créée par le pape Jean-Paul II. Son thème cette année est « Témoins d’une Bonne nouvelle ».
C’est un dimanche, pour accompagner celles et ceux dont la santé est altérée, dire la fraternité du compagnonnage entre les professionnels de la santé et les bénévoles des établissements de soin, entre tous les intervenants qui assurent rencontres et soins à domicile, entre ceux qu’on appelle les biens portants et ceux dont l’existence est fragile.
C’est une journée pour faire témoigner les acteurs de cette pastorale de la santé, faire connaître leur action et permettre à d’autres de les rejoindre, car la tâche est grande…
C’est un dimanche où nous sommes invités à vivre un moment de plus grande proximité avec les personnes souffrantes de la paroisse.
Après avoir lu l’Evangile du jour de St Luc, « laissant tout, ils le suivirent », l’abbé Hubert laissa la parole à Sophie, 42 ans, atteinte d’une tumeur au cerveau. Celle-ci nous expliqua « comment je suis témoin d’une Bonne Nouvelle avec le parcours que je traverse depuis plusieurs mois ».
Après des ennuis professionnels, Sophie se posait des questions : « Tout à l’heure, je vous ai avoué mon désir profond de comprendre ma nouvelle mission. Ainsi que nous le dit l’Evangile d’aujourd’hui, je me suis dit que Jésus me demandait de replonger mon filet, que la fin n’était pas là et que, avec la confiance en lui, l’abandon, il m’attendait ailleurs et que la pêche en serait peut-être même miraculeuse. Je pouvais redire « Me voici, Seigneur ! »
« Voici donc ma bonne nouvelle : le Seigneur, quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, a toujours un projet, une mission, pour nous, il nous demande de le suivre avec confiance. Le chemin n’est pas facile, comme il ne l’a pas été pour ses apôtres, mais il nous attend, nous fait confiance. Il suffit juste de lui ouvrir son cœur et de laisser travailler nos talents (ou les cordes de notre harpe). C’est alors qu’il nous offre la grâce de pouvoir agir à travers nous. Mon rôle dans ces situations est bien petit à côté du sien, c’est à travers nous qu’il agit ».
De nombreux malades avaient été visités les semaines qui ont précédé ce dimanche de la santé. Il fallait leur donner la parole. Toutes leurs intentions furent apportées au cours de la messe.
Tous ensemble, nous avons lu la prière suivante écrite par un malade, P. Jean-Marie Onfray
Ta Parole est une lampe sur ma route,
elle me réjouit de jour comme de nuit, elle me réchauffe et me rassure.
Seigneur, donne-moi le désir de me laisser aimer,
pour que ma vie témoigne d'une Bonne Nouvelle !
Ta Parole est une source vivifiante,
elle étanche ma soif au cœur de mes souffrances,
elle me pénètre et me libère.
Seigneur, donne-moi la force de partager cette Vie
De la faire grandir et de ne pas la garder pour moi.
Chantal Erouart
Témoignage intégral de Sophie
« Bonjour à toutes et tous, je m’appelle Sophie. J’ai bientôt 42 ans, je suis professeur des écoles en maternelle, à Noyelles Godault, après avoir été chef d’établissement d’une petite école en très grande difficulté pendant 4 ans.
J’ai, ce qu’on appelle, plusieurs cordes à ma harpe : animation musicale ou de chants lors de messes ou de rassemblements, responsable du train de l’amitié en août à Lourdes, une équipe d’animation du service des pèlerinages diocésains pour et avec les personnes porteuses de handicap ou de maladie, dont je fais partie depuis l’âge de 18 ans, accompagnatrice de jeunes en JOC, en ACE… Imaginative, porteuse de projets, organisée, dynamique, me voici pourtant devant vous aujourd’hui, dimanche de la santé, pour dire comment je suis « Témoin de Bonne Nouvelle » avec le parcours que je traverse depuis plusieurs mois.
Voilà neuf mois, dans le cadre du rassemblement « Amitié et espérance », je témoignais déjà de la façon dont, malgré le « burn out » (usure mentale à force de travail, notamment celui de chef d’établissement), j’avais retrouvé l’espoir, la confiance en moi en donnant de mon temps au service du rassemblement pour la paix en avril dernier : la mise en place d’une chorale de 600 enfants chantant la paix, et mon implication dans la grande fête à la maison Diocésaine le samedi et la chaîne humaine du dimanche matin.
Le « burn out » est arrivé avec la surcharge de travail de la gestion de l’établissement dont j’avais la mission. J’ai fait les frais de ce que l’on appelle la rumeur, et ma mission m’a été retirée en trois jours de temps sans avoir la possibilité de me défendre. Il ne s’agit pas ici d’y faire le procès ni de « savoir ». L’important est que ce retrait de mission a été une douleur inexprimable, qui me touche encore aujourd’hui. A travers mes différents engagements, je connaissais la valeur d’une lettre de mission, je m’en étais approprié le sens et tenais grâce et à travers elle. On m’avait arraché un morceau de moi-même.
Pendant un an pratiquement, j’ai essayé de comprendre. Il n’y avait rien à comprendre. J’ai essayé de trouver ce que le Seigneur voulait de moi, s’il me pensait toujours capable de porter une mission d’Eglise quelle qu’elle soit. A la lumière du texte de Saint Paul que nous venons d’entendre, je me suis sentie cet avorton. En tant que baptisée, j’ai cette mission de prêtre, prophète et roi : à moi de la laisser agir en moi et autour de moi. L’aménagement du jardin de la maison Nicodème et l’espace dédié à la Vierge ont été une première étape dans ce cheminement.
En novembre dernier, j’ai repris le travail dans une classe de maternelle, en mi-temps thérapeutique. La vie reprenait son cours normal, enfin ! A l’exception d’un logement, je retrouvais les bases de ma vie.
Mais, de nouveau, les événements se sont précipités : soudainement paralysée sur tout le côté gauche un dimanche matin. Après quelques semaines d’hospitalisation, nous en connaissons l’auteur : une tumeur cérébrale maligne appelée « glioblastome » prend de l’ampleur depuis bientôt 3 mois. Jeudi, je commence un cycle de 6 semaines de chimiothérapie et de radiothérapie conjuguées.
Ma vie quotidienne est bouleversée : perte de la mobilité de mon membre inférieur gauche, chutes, crises d’épilepsie partielles de plus en plus rares, déplacements avec déambulateur, voire un fauteuil roulant pour l’extérieur, rapidement fatigable.
Désormais, je dois apprendre à poser les choses, les faire à mon rythme, à me protéger de mes gestes trop rapides, à écouter parler mon corps : me reposer quand il est nécessaire et patienter, éviter les situations de stress ou d’énervement. Une nouvelle vie ! Mais aussi une « Bonne nouvelle » !
Tout à l’heure, je vous ai avoué mon désir profond de comprendre ma nouvelle mission. Ainsi que nous le dit l’Evangile d’aujourd’hui, je me suis dit que Jésus me demandait de replonger mon filet, que la fin n’était pas là et que, avec la confiance en lui, l’abandon, il m’attendait ailleurs et que la pêche en serait peut-être même miraculeuse. Je pouvais redire « Me voici, Seigneur ! »
En trois mois de temps, j’ai découvert le monde de la santé, ses méandres, son univers, sa réalité. Que ce soit en tant que patiente au service des urgences, en neurologie, dans les différents lieux d’examens (mammographie, IRM, scanners, Electro-encéphalogramme, bloc opératoire…), j’y ai rencontré des êtres humains parfois déroutés par ce qui leur arrivait en tant que malade nouvellement admis, inquiets des examens qu’ils allaient subir, de l’inconnu qui s’ouvrait à eux, des conséquences pour leur entourage et leur vie quotidienne ; d’autres, parmi le personnel soignant, ayant la volonté de soulager les patients mais souffrant de ne pouvoir apporter le temps et la patience nécessaires à la bien-traitance des malades qui leur étaient confiés par manque de personnel, de moyens matériels, parfois, reconnaissant leurs faiblesses, leur manque de formation, face à l’annonce et à l’accompagnement d’une famille qui vient d’apprendre le décès de l’une des leurs par exemple ; en souffrance aussi face aux préjugés de leur métier : « être infirmière en neurologie, c’est facile, il n’y a pas trop de travail me disent mes amis, mais s’ils savaient, ce n’est pas de tout repos ! » me confiait une jeune infirmière. Eh oui, la neurologie, comme tous les autres services, a ses propres particularités et quand le cerveau ne veut plus obéir, on se retrouve face à des situations complexes de malades qui se débranchent seuls (perfusions, sondes…), qui ne peuvent plus se déplacer, qui ne comprennent pas où et pourquoi ils se trouvent, se sauvent…
Je pense aussi particulièrement aux brancardiers qui n’osent plus mettre en marche leur podomètre tant ils font de kilomètres dans la journée. Je n’oublie pas non plus le personnel d’entretien qui a à cœur d’assainir l’espace confiné de la chambre d’hôpital. J’ai redécouvert la valeur des petits gestes simples.
Toujours en recherche d’activité, j’ai essayé, à ma mesure, d’apporter un peu de paix, d’écoute, de sourires. En cette période de l’Avent, j’ai tenté l’« Aller vers » de la JOC, tout en respectant la liberté de l’autre : au service des urgences ou dans l’attente d’un examen, s’il le pouvait, s’il le voulait, j’entamais la conversation avec mon voisin ou ma voisine, cela aidait à faire passer le temps ; avec le personnel soignant quelques discussions diverses autour de l’actualité et de leur réalité de travail.
A Lille, c’est à une toute autre attitude d’humilité et d’humanité dont j’ai été témoin ou quand un grand praticien s’assure de mon bien-être après les biopsies au point de se mettre à quatre pattes sous le lit pour en récupérer la télécommande !
La force de la prière m’accompagne toujours : celle de nombre d’entre vous, les visites (notamment de l’aumônerie de l’hôpital de Lens), les messages téléphoniques réconfortants, la présence et l’amour indispensable de ma famille et la communion qu’elle suscite lorsque la maladie arrive si soudainement chez un proche.
Voici donc ma bonne nouvelle : le Seigneur, quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, a toujours un projet, une mission, pour nous, il nous demande de le suivre avec confiance. Le chemin n’est pas facile, comme il ne l’a pas été pour ses apôtres, mais il nous attend, nous fait confiance. Il suffit juste de lui ouvrir son cœur et de laisser travailler nos talents (ou les cordes de notre harpe). C’est alors qu’il nous offre la grâce de pouvoir agir à travers nous. Mon rôle dans ces situations est bien petit à côté du sien, c’est à travers nous qu’il agit. Combien de fois ai-je pensé au chant « Confiance, lève-toi, il t’appelle. Jésus marche sur ton chemin. Ose crier « Jésus Sauveur ! », il t’appelle » ?
Merci à vous, j’ai pour habitude de dire que j’ai la chance de disposer d’un « forfait groupé » de prières. Aussi, aujourd’hui, je vous confie toutes ces personnes liées au monde de la santé. A ceux qui prient pour moi, je leur demande de prier d’abord pour tous ces malades oubliés, ce personnel soignant, quelle que soit sa position hiérarchique, qui essaie d’apporter avec le plus de sincérité et de professionnalisme possible le meilleur de lui-même, dans les conditions de travail dont ils disposent. Pensons aussi à toutes ces professions liées à l’autre : le monde de l’éducation spécialisée pour personnes handicapées, pour la protection de l’enfance, le monde de l’aide à la personne, de l’enseignement, les mouvements et serviteurs de l’Eglise, toutes ces orientations professionnelles, plutôt vocationnelles où l’humain est au centre des préoccupations mais où pressions, manque de personnel et de temps font perdre, parfois, le sens réel de la vocation première.
Cette expérience me transformera comme elle m’a déjà transformée mais je vais me battre, tout faire pour garder ce moral positif afin de vaincre cet ennemi. Merci encore et belle journée à vous. »